Un communautarisme qui ne dit pas son nom ? Analyse et décryptage du recueil « Portraits de France »

Julien Volper, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Octobre 2021 • Note 52 •


De quoi le recueil « Portraits de France » est-il le nom ?

Commandé par Emmanuel Macron en décembre 2020 à Pascal Blanchard et un Conseil scientifique composé de dix-huit personnes, remis à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et Nadia Hai, ministre délégué chargé de la Ville, en mars 2021, le recueil des « Portraits de France » sont une liste de 318 personnes issues de la « diversité », dans laquelle les élus locaux sont invités à puiser pour baptiser ou rebaptiser voies, places, parcs ou bâtiments publics de leurs communes. Le recueil constitue une étape majeure du quinquennat, qui a vu alterner les déclarations présidentielles contradictoires, les unes flirtant avec un multiculturalisme décomplexé, les autres épousant une ligne républicaine et laïque revendiquée. Alors, quel Emmanuel Macron croire ? Le républicain universaliste à la française ou bien le « déconstructeur » à l’anglo-saxonne ?

Notre analyse permet de faire ressortir cinq traits constitutifs du recueil « Portrait de France »

La note rédigée par Julien Volper, fondée notamment sur des données chiffrées indiscutables, permet de dégager cinq principaux points d’analyse :

• Le primat des origines qui s’exprime par la mise en avant quasi-exclusive de la « diversité de sang ». En agissant de la sorte, les « Portraits de France » limitent grandement la définition que l’on peut avoir de la diversité. Ainsi, d’autres formes de diversité, comme celle liée au sexe, sont mises en retrait (les femmes représentent seulement 21% des personnalités proposées).

• La culpabilisation par la négation, ou tout du moins la minimisation, des travaux odonymiques déjà effectués par les communes qui sous-entend l’idée que la France serait coupable de ne pas en faire assez en matière de « diversité ». Pourtant, nous montrons que 57% des personnalités qui figurent dans les « Portraits de France » bénéficient déjà d’au moins un nom de lieu dans l’espace public.

• La vision tronquée de l’histoire de France, en ne sélectionnant des personnalités qu’à partir de 1790. Le recueil opère ainsi une amputation volontaire du passé qui permet la survalorisation chronologique de certains événements historiques comme la colonisation.

• L’inégalité de traitement des territoires français, avec la survalorisation des territoires français ultra-marins ou de la Corse.

• Le traitement différencié des pays étrangers avec la survalorisation de pays comme l’Algérie (plus de cinquante personnalités, soit 17% de l’ensemble) et le quasi oubli d’autres parties du monde, comme l’Asie (7 personnalités, soit 2,2% de l’ensemble).

Les « Portraits de France » répondent à la vision déconstructrice du Président de la République

Si, de discours en interviews, Emmanuel Macron feint de s’inquiéter parfois de la racialisation progressive de la société française, le recueil « Portraits de France » marque un passage de la parole aux actes et a donc bien plus de poids. Il était déjà grave que l’idéologie multiculturaliste, décoloniale et racialiste ait pris tant de place dans les médias, à l’université et dans le monde culturel. Avec les « Portraits de France », elle s’institutionnalise et sert un discours d’État. Emmanuel Macron en porte la responsabilité devant les Français.

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L’auteur de la note

Julien Volper est chercheur associé à l’Institut Thomas More. Titulaire d’un doctorat en histoire de l’art de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, il est conservateur en charge des collections ethnographiques au Musée Royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique) et maître de conférences en histoire des arts de l’Afrique à l’Université Libre de Bruxelles. Membre du comité de rédaction de la revue Afrique : Archéologie & Arts, il a été le commissaire de plusieurs expositions et est l’auteur d’une soixantaine d’articles et d’ouvrages touchant à l’histoire, à l’art et aux religions du Congo. Au sein de l’Institut Thomas More, il analyse les politiques culturelles et mémorielles et les problèmes politiques, culturels et moraux posés par les restitutions d’œuvres et d’objets d’art. Il est l’auteur de la note Restitution du patrimoine culturel africain : une erreur culturelle, une faute politique (septembre 2020, disponible ici

Dans les médias

 

La Rapport Blanchard · « Doit-on choisir les noms de rues au seul motif de l’origine des personnalités ? »

Entretien de Julien Volper • 29 octobre 2021