L’Indopacifique à l’épreuve des « nouvelles routes maritimes de la soie pour le 21ème siècle »

Laurent Amelot, chercheur associé à l’Institut Thomas More, directeur du Programme « L’Indo-Pacifique à l’épreuve des ambitions chinoises »

Novembre 2021 • Note 53 •


Nouvelle carte mentale de l’Asie maritime globale, l’Indopacifique représente le cadre géopolitique dans lequel s’inscrit la stratégie régionale des États-Unis et de ses partenaires locaux pour un monde libre et ouvert face à la montée en puissance de la Chine communiste

En effet, l’Indopacifique prétend créer un continuum économique et stratégique entre les océans éponymes, avec le détroit de Malacca comme point de jonction et l’Inde, comme acteur majeur associé à l’architecture de sécurité régionale dirigée par les États-Unis. Toutefois, les principales manœuvres se déroulent dans l’océan Indien, que la Chine populaire considère comme un océan central. Le Japon et l’Inde le perçoivent plutôt comme un océan stratégique. En investissant massivement dans cet océan Indien, la Chine continentale aspire à y devenir une puissance résidente.

Les « nouvelles routes maritimes de la soie pour le 21ème siècle » ouvrent la voie à un nouveau chapitre dans l’histoire de la domination de l’océan Indien par les puissances extrarégionales : la Chine communiste est le candidat déclaré pour succéder aux États-Unis

Elle est une grande puissance sur mer. Ses champions nationaux dominent l’économie maritime mondiale. Le long des « nouvelles routes maritimes de la soie pour le 21ème siècle », ils investissent massivement dans les infrastructures. Les ports constituent le vecteur dominant de leur expansion dans l’océan Indien. Le réseau ainsi constitué peut permettre à la Chine populaire de refaçonner l’ordre maritime régional et dessine les contours d’une possible nouvelle géographie du transport maritime dominée par des opérateurs chinois dont les motivations sont loin d’être a-géopolitiques.

Le « corridor de la croissance Asie-Afrique », catalyseur d’initiatives occidentales avortées, reste l’alternative la plus crédible face à l’ambition chinoise

Désireux de redonner vie aux anciennes routes maritimes entre l’Afrique et l’Asie, le Japon et l’Inde font de cette initiative le bras armé de leur « stratégie pour une Indopacifique libre et ouverte ». Elle est soutenue par les États-Unis et l’Australie. Encré dans une logique collaboratrice, ce corridor propose la construction d’infrastructures de qualité, adaptées au besoin des pays récipiendaire, avec un financement sur mesure et dans le respect de l’éthique des affaires, tout le contraire de la manière dont la Chine communiste construit son influence, via les infrastructures, dans l’océan indien et au-delà.

Recommandations

Face à la perspective de voir la Chine communiste transformer l’océan Indien en laboratoire de la sino-mondialisation sur mer, l’Institut Thomas More propose une action en six temps :

Assoir la prééminence de l’ordre libéral international, rappeler les valeurs fondamentales ;

Revitaliser les stratégies pour une Indopacifique libre et ouverte, déplacer le curseur sur le soutien au développement ;

Réorienter le Quad, piloter les initiatives via un pool infrastructurel renforcé ;

Valoriser les initiatives régionales en matière d’infrastructures, ressusciter la « Network Blue Dot » pour promouvoir le « Corridor de croissance Asie-Afrique » ;

Construire un système de veille, encadrer des opérations d’infrastructures chinoises ;

Soutenir Taïwan dans ses démarches infrastructurelles, les coordonner avec le pilotage du Quad.

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L’auteur de la note

Laurent Amelot est chercheur associé à l’Institut Thomas More et directeur du Programme L’Indo-Pacifique à l’épreuve des ambitions chinoises. Diplômé de l’Institut d’Etude des Relations internationales (ILERI) et titulaire d’un Master 2 en sécurité internationale et défense de l’Université Lyon 3 (CLESID) et en géographie-aménagement du territoire de l’Université Paris 4 Sorbonne, il a été rédacteur en chef de la revue Outre-Terre et, en 1997, lauréat du prix Amiral Daveluy. Il est aujourd’hui chargé d’enseignement à l’ILERI et membre du groupe de réflexion Asie21. Après avoir longtemps consacré ses travaux à l’Asie du Sud-est et à l’Asie du Sud principalement, il s’est intéressé ces dernières années à la Chine, à sa politique étrangère et tout particulièrement à la dimension maritime de sa stratégie de puissance