20 décembre 2021 • Chronique •
La loi Pacte, en vigueur depuis décembre 2019, était riche en promesses. Mais, quelque vingt-quatre mois plus tard, tout porte à croire que ce texte (trop ?) ambitieux a raté sa cible, selon Sébastien Laye dans sa chronique pour Capital.
Lors de son interview présidentielle le 15 décembre, Emmanuel Macron a indiqué accorder désormais une plus grande attention à l’exécution des lois et à leur suivi. A cet égard, l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF) s’est penché récemment sur le suivi de la loi Pacte promulguée en septembre 2019. Après les premières réformes du quinquennat – ordonnances travail et changements fiscaux lors du premier budget –, la loi Pacte fut un grand marqueur de l’aspiration réformatrice du nouveau pouvoir, avec son ambition de simplifier divers pans de notre économie. Les 221 articles d’une loi fourre-tout, allant de la création d’entreprises à mission à une mini réforme de l’épargne retraite, avaient finalement laissé de marbre nombre d’économistes. Deux ans plus tard, nous avons les moyens de juger ces mesures. Cette loi ambitionnait de simplifier, rationaliser et favoriser l’intégration du salarié dans l’entreprise, tout en adressant les critiques portées contre les premières réformes.
La loi Pacte avait comme premier pilier une simplification des procédures de création d’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée), avec l’abandon de tout exigence de patrimoine d’affectation initiale. Mais deux ans après, ces entreprises ne représentent que 2% des créations, malgré l’augmentation sensible de leur nombre. Pour les formalités des entreprises, la loi proposait un guichet unique : la mise en place a été laborieuse mais, depuis avril 2021, ce guichet existe et sera généralisé en janvier 2022 à toutes les entreprises. Un registre unique pour diffuser l’information concernant les entreprises devrait être opérationnel en janvier 2023. L’exécution de la loi aura donc pris trois ans…
Le gouvernement communiqua beaucoup en 2019 sur la simplification des seuils sociaux, ramenés à trois : 11, 50 et 250 salariés. Deux ans plus tard, la révolution n’a pas eu lieu et beaucoup reste à faire en la matière, en termes de comités et diverses obligations imposées aux entreprises quand elles grandissent : l’effet de seuil s’est renforcé sur la barrière des onze salariés, qui reste une vraie barrière pour faire grandir nos TPE.
La création d’un nouveau plan épargne retraite (PER) avait été voulue par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno le Maire, qui avait fixé l’objectif de 300 milliards d’euros d’encours et 3 millions de titulaires en 2022. Deux ans plus tard, les encours restent en dessous de l’objectif, mais les nouveaux PER ont connu une belle croissance, cependant dans la moyenne des placements financiers des ménages (+58%). Le gouvernement voulait orienter l’assurance-vie vers l’épargne retraite, mais a rencontré ici un certain échec du fait de la baisse des taux et de la rémunération de ces produits avec la crise du Covid et les politiques monétaires. La loi devait aussi favoriser les ICO (émission de jetons numériques) dans l’univers de la blockchain pour diversifier les levées de fonds ; malheureusement, en deux ans, seules trois demandes d’ICO ont eu lieu en France. Enfin, la velléité de lancer une nouvelle participation gaullienne ou des fonds de pension à la française, parfois mise en exergue lors de la communication autour de la nouvelle loi, avait été abandonnée dès l’examen du texte.
La loi Pacte avait largement ouvert le champ à des privatisations ou des réductions de participation de l’Etat. Mais la crise a entravé la vente d’ADP ou le projet de séparation du foncier et de l’exploitation. L’Etat a pu cependant, grâce à la loi Pacte, descendre au capital de la Française des Jeux et de La Poste.
Le texte comportait aussi un intéressant volet souveraineté économique, qui a eu des applications plus ou moins heureuses. Le fonds pour l’innovation et l’industrie (FII, géré par la BPI), abondé par des participations existantes de l’Etat, a souffert d’un montage trop complexe, critiqué par la Cour des Comptes, et s’est trouvé finalement noyé (ou mort-né) dans les dispositifs du plan de relance en 2021. Les nouvelles règles de contrôle des secteurs stratégiques et de leur actionnariat (permettant par exemple à Bercy d’intervenir dès les 20% de détention du capital par un étranger ou même 10% pour une société cotée) ont donné lieu à une augmentation des contrôles de près de 30%.
Deux ans plus tard, on peut se dire que la loi Pacte a souffert essentiellement de poursuivre trop de desseins différents, allant du symbolique – les entreprises à mission – à l’hyper-technique (les ICO), sans aucune cohérence particulière : très libérale sur les privatisations, le texte cédait au souverainisme sur le contrôle des investissements étrangers. Son application, in fine, n’aura pas résisté au test du temps et des urgences, notamment sanitaires, mettant la pression sur les gouvernants.