3 janvier 2023 • Opinion •
L’année 2022 a été marquée par une hausse des taux d’intérêts et une inflation galopante, constate Sébastien Laye qui plaide pour mettre fin au laxisme budgétaire et aux dépenses excessives du gouvernement afin d’éviter une situation plus grave encore en 2023.
Jusqu’à la fin 2021, le scénario économique mondial et français paraissait limpide : après avoir tutoyé l’abîme en 2020 du fait de confinements forcés suite à la pandémie (-8% de croissance en France par exemple), et connut une forte remontée technique en 2021 (presque 7% en France in fine), notre économie devait se stabiliser en 2022, poursuivant sur la lancée du rebond technique post Covid.
Or il n’en fut rien, en grande partie du fait d’erreurs de politique économique. Le péché originel date justement de la mi-2021 où, au lieu de déphaser les mesures de soutien à l’économie, nos dirigeants se sont entêtés et ont longtemps nié la possibilité d’une inflation galopante (et non l’inflation contenue à moins de 2% des années 2020 malgré les interventions post crise 2008) : ainsi en 2022, quand l’inflation est apparue (dont on peut faire aujourd’hui le bilan à 7% en annualisé), non seulement la France n’avait jamais mis fin aux mesures d’exception du Covid (plus de 100 milliards en PGE, chômage partiel et aides directes) mais elle instaurera une nouvelle doctrine face à l’inflation : le quoi qu’il en coûte. Boucliers tarifaires et subventions ont rythmé l’année 2022, budgétisant 1 à 2% d’inflation (qui à 7% reste malgré tout élevée…) et coûtant plus de 50 milliards d’euros. Ce sera le grand fait économique et social de 2022 : le déchaînement de l’inflation (15 à 20% dans l’alimentaire, bien plus pour l’énergie), la crise du pouvoir d’achat, le basculement de nombreux Français dans la pauvreté. Ce débat ésotérique sur la courbe de Philips, l’inflation et la politique monétaire, qui n’intéressait que les économistes au réveillon de l’an dernier, aura eu des conséquences dramatiques pour les Français en 2022.
Attendue à 4% fin 2021, la croissance 2022 devrait finalement à peine dépasser les 2%. Pour juguler l’inflation, la remontée des taux d’intérêt a commencé dès mars aux États-Unis, cet été et plus timidement en Europe. Notre budget 2022, voté avec cette prévision obsolète de croissance, devrait atterrir avec entre 4 et 5% de déficit. 2023 se présente comme un exercice d’équilibriste pour nos finances publiques : voté encore en large déficit, notre budget prévoyait une croissance de 1% pour 2023.
Aujourd’hui, le consensus des économistes pour 2023 est le suivant : une croissance mondiale à un peu plus de 2,5%, parmi les plus faibles des trente dernières années, une stagnation ou modeste croissance aux États-Unis et une légère récession pour l’Europe. La France oscillera entre les dernières prévisions de la Banque de France (au mieux +0,6%) et un léger recul de l’activité comme indiqué par les indices PMI industriels par exemple.
La hausse des taux devrait se poursuivre jusqu’en septembre si on veut vraiment faire passer l’inflation en dessous de 3% ; c’est en 2023 que le prix à payer commence à se manifester puisqu’il faudra rapidement trouver cinq milliards de plus pour le service de la dette et ce alors que les promesses de soutien au pouvoir d’achat se sont multipliées. Il faudra donc dire la vérité aux Français : la lutte contre l’inflation réside dans la politique monétaire, mais on ne peut pas avoir du laxisme budgétaire à côté d’un resserrement monétaire : nous allons finir avec et l’impact négatif des hausses de taux et la poursuite de l’inflation entretenue par les dépenses du gouvernement. Nous devons engager la baisse de nos déficits et de notre dépense publique. C’est le réalisme qui nous le commande, non une quelconque philosophie de l’austérité.
Les marchés financiers, très chahutés en 2022 par les hausses des taux d’intérêt, n’ont cependant pas encore complètement intégré ce risque de stagnation et de mauvais résultats des entreprises : si le CAC 40 a perdu 10% en 2022, une année presque similaire l’attend probablement, avec un plus bas à au moins 15% à l’automne. Mais ce sont les marchés privés, plus longs à réagir à la hausse des taux et aux difficultés de pouvoir d’achat, qui seront surtout impactés en 2023 : en 2022, seul l’immobilier parisien a commencé à reculer (surtout sur le quatrième trimestre) mais en 2023 la baisse sera générale, de -5% à -10% selon les régions et les types de biens. On doit s’attendre aussi à des baisses similaires sur le marché du private equity, et celui des start-up technologiques, au moins au printemps.
La seule bonne nouvelle dans ce contexte récessif devrait concerner le chômage. Certes, les forces économiques pousseront plutôt vers une augmentation des licenciements mais les tendances structurelles (tension sur certains métiers, cohortes de potentiels chômeurs mis en formation, trésorerie importante des grandes entreprises, démographie) font que durant cet épisode récessif, le chômage devrait rester en dessous de 8,5%.
Malgré ce contexte maussade pour la macroéconomie et la finance, l’innovation devrait continuer sa marche inéluctable : au-delà du financement, les entreprises technologiques ne sont pas en retrait, les innovations y compris en France se multiplient en intelligence artificielle, cleantechs, métavers et crypto-monnaies (dont le rebond commencera en 2023) : les premiers vrais déploiements du plan France 2030 sous l’égide de Bruno Bonnel devraient essaimer au bon moment justement.
Enfin, 2023 sera l’année de la réforme des retraites, comme le président l’a annoncé dans ses vœux : une réforme certes nécessaire mais non-suffisante et surtout non-structurante. Sur le cahier de notes, l’économiste écrirait pour l’élève qu’est la France : « peut mieux faire, ne doit pas s’endormir et procrastiner, sinon risque de décrochage ».