Février 2023 • Note 59 •
La bataille livrée par Pékin afin de refuser à Taipei tout existence légale sur la scène internationale
La nature a horreur du vide. La république populaire de Chine et Taïwan l’ont bien compris. La bataille que Pékin livre à Taipei afin de lui refuser tout existence légale sur la scène internationale participe de cette manœuvre construite autour d’un jeu à somme nulle ; le Parti-État chinois s’opposant par le truchement de sa politique de la Chine unique à la double reconnaissance diplomatique de la Chine communiste et de l’île nationaliste, ainsi qu’à l’admission de cette dernière au sein des organisations internationales. Cette stratégie politique s’est notamment illustrée au cours de ces dernières années par l’établissement de liens officiels entre la Chine populaire et les îles Salomon et Kiribati (2019), d’une part, le Nicaragua (2021), d’autre part, ouvrant la voie à un basculement complet du côté de Pékin de deux des derniers pré-carrés diplomatiques de Taïwan. En rétrécissant à sa partie la plus congrue le périmètre des relations diplomatiques de Taïwan, le risque est grand, qu’à terme, cette dernière ne soit plus officiellement audible qu’au Vatican, lui-même sous la pression de la Chine communiste face à l’enjeu que représente le traitement institutionnel et religieux des Chrétiens sur son propre territoire.
Agilité, attraits et tendance positive de la stratégie de Taïwan
Toutefois, à l’échelle internationale, le poids d’un État se mesure-t-il au nombre de ses représentations diplomatiques et à sa présence au sein des instances internationales ou à son influence et à sa capacité à valoriser son image par le biais d’actions concrètes pour le bien de la communauté internationale ? Si l’un n’est pas exclusif de l’autre, la réponse n’est pas définitive. En effet, si le périmètre des relations diplomatiques de Taïwan ne cesse de se restreindre à l’échelle internationale, en Occident et plus particulièrement en Europe centrale et orientale, une tendance inverse s’observe, avec un soutien toujours plus visible du bénéfice de Taipei, accompagné d’une méfiance qui se renforce à l’encontre de Pékin. Le comportement agressif de la Chine communiste, sous la bannière de la diplomatie des loups guerriers, les sanctions contre ceux qui n’adhèrent pas à son récit ou agissent à l’encontre de ses principes et le resserrement idéologique du Parti communiste chinois, sous la mandature de Xi Jinping, sur l’ensemble des questions de politique intérieure, économique, extérieure et de sécurité contrastent avec les gestes d’ouverture de Taïwan sur le monde et ses performances positives dans nombre de secteurs cruciaux pour l’économie internationale, adossés à un système démocratique jeune, qui ne cesse de se renforcer.
Le défi du développement de relations ambitieuses entre Taïwan et les pays d’Europe centrale et orientale
Cette inversion des logiques de séduction constitue un moteur incitatif pour le développement de relations solides entre Taïwan et les pays d’Europe centrale et orientale, qui partagent une expérience historique similaire et entrevoient les perspectives de partenariats économiques fructueux sur la base de valeurs communes partagées. Cependant, face aux désillusions croissantes des pays d’Europe centrale et orientale à l’égard de Pékin, Taïwan est-il capable de relever le défi d’un engagement constructif renforcé à long terme alors même que ses partenaires centre-européens restent indécis sur l’opportunité de remettre en question officiellement le dogme de la Chine unique que leur impose Pékin ? A défaut d’une structuration claire des relations entre Taïwan et les pays d’Europe centrale et orientale, cette politique restera une épée de Damoclès au-dessus de la tête des dirigeants taïwanais face aux pressions de Pékin pour affaiblir la dynamique en cours de ses relations avec les pays d’Europe centrale et orientale.
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L’auteur de la note
Laurent Amelot est directeur de recherche et directeur du Programme Indo-Pacifique de l’Institut Thomas More. Diplômé de l’Institut d’Etude des Relations internationales (ILERI) et titulaire d’un Master 2 en sécurité internationale et défense de l’Université Lyon 3 (CLESID) et en géographie-aménagement du territoire de l’Université Paris 4 Sorbonne, il a été rédacteur en chef de la revue Outre-Terre et, en 1997, lauréat du prix Amiral Daveluy. Il est aujourd’hui chargé d’enseignement à l’ILERI et membre du groupe de réflexion Asie21. Après avoir longtemps consacré ses travaux à l’Asie du Sud-est et à l’Asie du Sud principalement, il s’est intéressé ces dernières années à la Chine, à sa politique étrangère et tout particulièrement à la dimension maritime de sa stratégie de puissance • |