La pari algérien d’Emmanuel Macron

Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie

9 juillet 2023 • Opinion •


Pour danser le tango, il faut être deux. Le président de la République ne doit pas l’oublier dans ses relations avec Alger, estime Xavier Driencourt qui vient de publier la note Le pari algérien d’Emmanuel Macron: illusions, risques et erreurs à l’Institut Thomas More.


Lorsqu’en février dernier, la France a assumé ce qu’on appelle en langage diplomatique la « protection consulaire » à l’égard de Mme Amira Bouraoui, les services consulaires français, et plus généralement nos diplomates, ont été traités de « barbouzes » par la presse et les autorités algériennes. Vendredi 30 juin, le ministre algérien des Affaires étrangères prend la peine par un communiqué officiel, de demander à la France « d’assurer pleinement son devoir de protection à l’égard des ressortissants algériens » et rappelle « qu’il sera aux côtés des membres de sa communauté nationale ».

Dans un cas, en février, la protection consulaire à l’égard de binationaux est critiquée ; dans l’autre, en juin, elle est revendiquée au milieu des émeutes. Ambiguïté, provocation ou étrange compréhension des relations diplomatiques et consulaires : vérité au deçà de la Méditerranée, erreur au-delà.

La presse algérienne, ou ce qu’il en reste, prend fait et cause pour ce communiqué et cette ingérence dans les affaires intérieures françaises en critiquant évidemment, c’est de bon aloi, « l’extrême droite française » et en se lamentant sur nos responsables politiques qui oublieraient la « dimension humaine » des relations bilatérales, point fort de la visite du Président de la République à Alger en août dernier. Tous les Français et tous les responsables politiques souscrivent évidemment à cette « dimension humaine » pour peu qu’elle soit bien comprise et partagée. Je me souviens avoir dit, au cours d’un tête-à-tête avec le Président Bouteflika, qu’il lui fallait changer l’image de l’Algérie, car les Français ne retenaient de celle-ci que trois aspects : le terrorisme, les banlieues, l’islamisme.

C’était au lendemain de l’affaire Merah. Le Président algérien avait opiné et s’était interrogé devant moi sur la meilleure manière de procéder. Plus de dix ans après, les choses se sont plutôt aggravées. Dans la note que je viens de publier pour l’Institut Thomas More, je rappelle combien le « pari algérien » de la France est semé d’embûches, risqué et finalement incertain : ambiguïtés sur la politique migratoire, aucun avantage économique ou autre pour la France, rien ou peu de choses en ce qui concerne la sécurité au Sahel ou en Méditerranée, relation dégradée avec le Maroc. Et il faudrait désormais ajouter « ingérence » dans la colonne « débit ». Beaucoup d’Algériens ou de Franco-Algériens vivant en France ne se reconnaissent pas dans cette ambiguïté du gouvernement d’Alger et appellent à une « remise à plat » de ces relations (diplomatiquement, on appelle cela une « refondation »). Faut-il alors continuer à faire ce pari algérien ?

On peut, de mon point de vue, faire ce pari mais à une condition : la réciprocité et que l’Algérie fasse de son côté le « pari français », c’est-à-dire « renvoie l’ascenseur » sur les sujets qui nous préoccupent : le contrôle de l’immigration, la mémoire, la sécurité dans tous ses aspects. Les militaires algériens comprennent parfaitement le « rapport de forces ». Mieux, ils attendent cela de leurs partenaires et le respectent. Faisons donc, dans cette hypothèse, le pari du bon sens algérien.


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