Stratégie de sécurité économique de l’Union européenne · Enjeux, lacunes et fragilités

Laurent Amelot, directeur de recherche à l’Institut Thomas More

Septembre 2023 • Note d’actualité 87 •


En juin dernier, la Commission européenne a présenté son projet de « stratégie de sécurité économique ». Exercice inédit, le document invite l’Union européenne et ses États membres à l’alignement de leurs politiques économique, commerciale et industrielle sur leurs objectifs stratégiques et de sécurité. La « réduction des risques » et des dépendances à l’égard de pays rivaux ou de plus en plus hostiles est placée au cœur de la stratégie. Si ni l’une ni l’autre ne sont nommées, c’est principalement à la Chine et à la Russie qu’on pense. Si Bruxelles s’était jusqu’alors essentiellement concentrée sur le volet intérieur de sa stratégie de sécurité économique, le document du 20 juin 2023 pose les contours d’outils tournés vers l’extérieur, cherchant à contrôler l’externalisation d’industries et de technologies clés. Toutefois, le projet montre des lacunes et révèle des fragilités importantes qui disent, une nouvelle fois, combien l’Union européenne n’est pas un acteur géopolitique de plein exercice.

Le 20 juin 2023, la Commission européenne a dévoilé son projet de toute première stratégie de sécurité économique, destiné à renforcer les capacités de l’Union (UE) à aligner ses politiques commerciales et industrielles sur ses objectifs stratégiques et de sécurité. Cette proposition souligne, entre autre, la nécessité, pour les États membres de l’UE, de freiner leurs exportations de technologies hautement sensibles, comme l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et les semi-conducteurs, et d’examiner avec la plus grande attention les investissements à l’étranger (IDE) de leurs entreprises ; l’un et les autres étant susceptibles de renforcer les capacités militaires et de renseignement d’acteurs aptes à les utiliser « pour menacer la paix et la sécurité internationale ».

Bien que ni la Chine continentale ni la Russie ne soient pas explicitement désignées, elles sont fortement considérées comme les cibles principales de ce projet ; celui-ci soulignant la nécessité de réduire les risques dans les relations économiques de l’UE avec le reste du monde, en particulier avec les grandes puissances et les puissances régionales, lorsque Bruxelles les perçoit comme offensives et/ou aux intérêts contraires à ceux des Européens. Ce concept de « réduction des risques » a été présenté pour la première fois par la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, à l’occasion d’une communication, le 30 mars 2023, peu avant d’accompagner le président français, Emmanuel Macron, lors de sa visite d’État à Pékin, du 5 au 8 avril 2023. Elle l’a, par la suite, de nouveau mobilisé, lors de ses discussions à la réunion du Groupe des 7 (G7), à Hiroshima, en mai 2023, notamment.

Ce projet de document programmatique souligne, par ailleurs, le risque de voir l’Europe devenir trop dépendante d’« un seul pays, en particulier un pays avec des valeurs, des modèles et des intérêts systémiquement divergents », une autre référence claire à la Chine communiste, mais aussi à la Russie, étant donné les relations économiques étroites de nombreux membres de l’UE avec les géants asiatique et euroasiatique et l’importance des importations de matières premières russes et, pour la transition énergétique européenne, de technologies vertes chinoises.

Si elle marque une étape dans la prise de conscience géopolitique de l’Union européenne, cette stratégie témoigne de lacunes et de fragilités propres difficilement dépassables. Décryptage.

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L’auteur de la note

Laurent Amelot est directeur de recherche et directeur du Programme Indo-Pacifique de l’Institut Thomas More. Diplômé de l’Institut d’Etude des Relations internationales (ILERI) et titulaire d’un Master 2 en sécurité internationale et défense de l’Université Lyon 3 (CLESID) et en géographie-aménagement du territoire de l’Université Paris 4 Sorbonne, il a été rédacteur en chef de la revue Outre-Terre et, en 1997, lauréat du prix Amiral Daveluy. Il est aujourd’hui chargé d’enseignement à l’ILERI et membre du groupe de réflexion Asie21. Après avoir longtemps consacré ses travaux à l’Asie du Sud-est et à l’Asie du Sud principalement, il s’est intéressé ces dernières années à la Chine, à sa politique étrangère et tout particulièrement à la dimension maritime de sa stratégie de puissance   

 


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