Macron au Liban · Un reniement sans précédent

Gilles Delafon, ancien grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient

Septembre 2023 • Note d’actualité 88 •


En cette rentrée 2023, l’échec de la mission française pour faire élire un nouveau président libanais est attesté et, signe des temps, c’est le Qatar qui devrait reprendre la main avec des atouts autrement plus sonnants et trébuchants. Rarement la diplomatie d’Emmanuel Macron aura montré autant d’incohérence que dans sa gestion ces derniers mois de la crise libanaise. Au terme de promesses non tenues et d’un reniement sans précédent, elle s’est proprement disqualifiée aux yeux de tous ceux qui avaient fondé des espoirs sur son action pour sortir le pays d’une crise devenue existentielle.

Quel que soit désormais son issue, le dossier épineux de l’élection d’un nouveau président de la République libanaise aura vu les représentants français montrer de sérieuses lacunes dans leur évaluation du rapport de forces et faire preuve d’un préoccupant manque de convictions. Cette absence patente de colonne vertébrale dans l’action sur un dossier pourtant familier à l’Élysée et au Quai d’Orsay aura à n’en pas douter des séquelles à l’heure où la diplomatie française semble partout en recul.

L’actuelle séquence libanaise a débuté le 4 août 2020, avec la terrible explosion du port de Beyrouth : 235 morts, 6 500 blessés, 300 000 sans-abris, 4 milliards d’euros de dégâts selon la Banque mondiale. Une des plus graves explosions non nucléaires de l’histoire, provoquée par le stockage très suspect de centaines de tonnes de nitrate d’ammonium dans un hangar sous contrôle de l’État.

Les ressorts du drame témoignent déjà de la décomposition avancée d’un pays dopé à la corruption et au mensonge et dont les institutions, qui avaient pourtant survécu à quinze ans de guerre, ont fini disloquées par le jeu mafieux de chefs de milices féodaux, devenus ministres, chef du Parlement ou président, souvent par la grâce des urnes.

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L’auteur de la note

Gilles Delafon est un ancien journaliste, spécialiste des affaires internationales, aujourd’hui consultant en communication stratégique. Correspondant à Beyrouth pendant la guerre du Liban de 1984 à 1988, il est l’auteur de Beyrouth, les soldats de l’Islam (1989). Grand Reporter et éditori-aliste au Journal du Dimanche de 1989 à 2008, il couvre les crises du Moyen-Orient dont les deux guerres d’Irak et le processus de paix israélo-palestinien. Responsable de l’information de Canal + de 2008 à 2016, il est également l’auteur de Le règne du mépris. Nicolas Sarkozy et les diplomates, 2007-2011 (2012). Diplômé de l’université Columbia (New York), il est depuis 2016 le président fondateur du cabinet de conseil Lord Jim Consulting