30 novembre 2023 • Opinion •
Le préfet de police Laurent Nuñez a annoncé ce mercredi que les riverains devront se munir d’un QR code pour circuler aux abords des sites olympiques. Cyrille Dalmont y voit paradoxalement un nouveau signe de la perte d’autorité de l’État.
Laurent Nuñez, préfet de police de Paris a annoncé ce mercredi au Parisien la mise en place d’une attestation obligatoire pour les automobilistes et piétons pour pouvoir circuler dans Paris pendant la durée des Jeux olympiques. Il précise que quatre zones de sécurités différentes seront mises en place. « Un périmètre organisateur où ne rentreront que les gens accrédités (athlètes, organisation, journalistes, ) ou munis d’un billet ». Un périmètre de protection dans lequel pour entrer, tout le monde sera « fouillé. Ce périmètre n’englobe en général pas de riverains, sauf pour la cérémonie d’ouverture et de manière limitée quelques sites ». Puis deux zones plus larges distinctes, une rouge et une bleue sont prévues. Dans la zone rouge, « le principe est l’interdiction de circulation, sauf dérogation, en raison du flux piétonnier important et des risques d’attaque à la voiture bélier ». Le second périmètre, bleu, plus large, sera soumis à des régulations de circulation. « L’idée est ici d’éviter les circulations de transit. Nous ne voulons laisser entrer en voiture que ceux qui y vivent, travaillent ou veulent se rendre dans un commerce ou un restaurant ».
Un QR code et une plateforme dédiée à cet effet sont également prévus afin que les personnes désireuses de circuler dans ces zones soient préalablement enregistrées et identifiées. La technologie du QR code servira donc une nouvelle fois en France de laisser-passer, ou de sauf-conduit dans l’espace public pour des actes de la vie courante.
Ces annonces du préfet de police de Paris, si elles peuvent sembler surprenantes, ne sont finalement que la triste continuité de l’article 7 du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, voté le 23 mars dernier par l’Assemblée nationale, qui offrait déjà la possibilité d’utiliser la vidéosurveillance algorithmique (biométrique), avant, pendant et après les Jeux pour le traitement des images enregistrées par des caméras ou des drones.
Nous avions tenté d’alerter avec force lors de la période de la pandémie de Covid-19 dans ces colonnes, sur le risque majeur que l’utilisation à outrance de ces outils numériques de « tracking » et de contrôle feraient courir dans un futur proche aux libertés publiques et aux droits fondamentaux. Malheureusement en vain.
De fait, la filiation chinoise des différents pass sanitaires européens et du certificat Covid numérique UE était déjà patente puisque largement assumée dans plusieurs rapports parlementaires et sénatoriaux dont celui de Mounir Mahjoubi, ancien député (LREM) de Paris, ancien président du Conseil national du numérique et ancien Secrétaire d’État chargé du numérique (Traçage des données mobiles dans la lutte contre le Covid-19, avril 2020) ou encore le rapport de la délégation à la prospective du Sénat sur « les crises sanitaires et outils numériques » (juin 2021).
Le choix du QR code qui est au cœur même du réacteur de la mise en place du système de « crédit social » en Chine repose tout en entier sur une logique d’autorisation préalable. Le « bon citoyen », celui qui respecte à la lettre les obligations que lui impose le régime, peut avoir accès à certains droits (travail, déplacements, loisirs, logements, santé, crédits) ; le « mauvais citoyens », dont la note sociale est trop faible, se voit désactiver ses droits à distance.
Force est de constater que l’accélération de l’effondrement de l’autorité de l’État qui n’arrive plus à faire appliquer ses propres lois sur des parties de plus en plus larges de son territoire (immigration clandestine, délinquance, trafics, émeutes, razzias, terrorisme et radicalisation), se traduit par une transformation totale de notre contrat social. Nous sommes les contemporains du passage de la société de liberté, issue d’un modèle occidental unique sur la planète (miracle occidental) à une société de l’autorisation préalable, modèle quasi majoritaire dans tous les autres pays du monde, pour effectuer les actes les plus anodins de la vie courante tels que celui de marcher dans la rue ou de se rendre à son travail.
Emmanuel Macron, lors de son intervention du 17 octobre dernier, avait malheureusement déjà donné le ton en affirmant que « nous devons vivre dans une société de vigilance » et que « jamais, dans un État de droit, il ne sera possible d’avoir un système où le risque terroriste est éradiqué totalement ». Plus simplement, l’État ne peut plus être fort avec les délinquants en raison de l’« État de droit », autrement dit les conventions internationales, le droit européen et les jurisprudences des hautes cours de justice (CEDH, CJCE, Conseil constitutionnel, Conseil d’État et cour de Cassation) : il va donc se montrer fort avec les faibles (les bons citoyens) en créant une société de vigilance.
La société de vigilance, c’est le contrôle de tous par tous, partout et tout le temps (vidéoprotection, reconnaissance faciale, passes numériques, drones de surveillance, réserve citoyenne du numérique, censure et contrôle de la liberté d’expression) pour donner une illusion d’action et de sécurité.
À force d’impuissance avec les forts (délinquants et terroristes), on place les faibles (citoyens) sous « bracelet électronique » pour générer une illusion de sécurité. C’est une forme de réécriture du réel dans laquelle le bon citoyen imagine que comme il est tracé et soumis à autorisation préalable en permanence, les délinquants le sont aussi. Mais c’est factuellement faux. C’est également une rupture civilisationnelle majeure puisque le respect du droit et des lois par les citoyens français était jusqu’ici conditionné, dans notre tradition constitutionnelle, par l’obligation de l’État de protéger ses citoyens mais également par notre tradition constitutionnelle de la liberté.
Que restera-t-il des droits naturels et imprescriptibles de l’homme : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression dans une société de l’autorisation préalable, du QR code sauf-conduit et du « tracking » généralisé des citoyens ?