Décembre 2023 • Note 63 •
La rénovation énergétique des bâtiments à l’agenda du premier semestre 2024
Après le discours sur la planification écologique prononcé par le président de la République le 25 septembre dernier et la présentation le 22 novembre de la Stratégie française énergie climat par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et alors que la Commission européenne vient d’acter un durcissement de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB), il est indispensable de s’interroger sur la voie prise depuis plusieurs années en matière de rénovation énergétique des bâtiments et de questionner les moyens qui y sont alloués d’une part et les règles, méthodes et techniques mises en œuvre sur le terrain d’autre part.
Des contraintes réglementaires drastiques et des moyens considérables
La politique publique de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments a coûté trois milliards en 2021 en France. Parallèlement à ces dispositifs incitatifs, la loi Climat et Résilience d’août 2021 impose aux propriétaires de rénover les logements les plus énergivores. En prétendant lutter contre les « passoires thermiques », ce sont près de quatre logements sur dix qui seront exclus à terme du marché locatif. Et l’Union européenne n’est pas en reste puisqu’elle annonce 150 milliards d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments d’ici 2030 et que la directive européenne DPEB, tout juste révisée, impose dorénavant une accélération du rythme des rénovations énergétiques à travers l’Union. Nous savons pourtant que la France n’est responsable que de 0,9% des émissions mondiales de dioxyde de carbone et que 27% de ces émissions sont imputables au secteur immobilier. Ce dernier représente donc 0,243% des émissions mondiales. Au vu des sommes engagées et de la modestie de l’objectif visé, il est légitime de s’interroger sur les bénéfices escomptés des politiques françaises et européennes coûteuses et contraignantes de rénovation énergétique.
Isolation thermique des bâtiments : techniques discutables et résultats médiocres
Qu’il s’agisse de l’analyse des cycles de vie (ACV) des matériaux de construction ou des contraintes liées à la généralisation du béton en Europe depuis la seconde moitié du vingtième siècle (isolation impérative par l’extérieur ou par l’intérieur liée à la faible inertie thermique du béton, ventilation nécessaire des bâtiments à l’aide de systèmes mécaniques de type VMC, créations de ponts thermiques, possibles problèmes sanitaires liés à l’usage intensif de produits isolants chimiques comme le polyuréthane et le polystyrène, menaces sur l’intégrité du patrimoine, etc.), les questions techniques qui méritent d’être posées sont nombreuses. Mais ce n’est pas tout : une étude récemment publiée met en doute l’efficacité énergétique des solutions isolantes actuelles. Réalisée par des chercheurs de l’université de Cambridge, elle montre que l’isolation des murs à cavité n’a entraîné qu’une baisse moyenne de 7% de la consommation de gaz la première année, de 2,7% la deuxième année et que les économies d’énergie deviennent négligeables dès la quatrième année. L’isolation des combles a, quant à elle, été deux fois moins efficace que celle des murs à cavité.
Huit propositions pour réorienter la politique française de rénovation énergétique des bâtiments
Sur la base de ce double constat d’un déploiement excessif de moyens et de contraintes légales et réglementaires au regard d’un enjeu écologique qui interroge et de résultats techniques médiocres en comparaison des ambitions affichées, il convient, non pas de ne rien faire, mais de changer en profondeur l’orientation et les outils de la politique de rénovation énergétique des bâtiments. Prise en compte de la durée de vie réelle des matériaux de construction et de la « durée de vie en bon état » des constructions, lutte contre le durcissement des dispositions réglementaires, création d’un coefficient d’enracinement des matériaux, des professionnels et des techniques, réalisation d’études indépendantes sur l’efficacité réelle des techniques d’isolation actuelles, préservation du bâti ancien et valorisation de la construction neuve traditionnelle, formation des professionnels : tel est le sens de nos propositions.
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L’auteur
Noé Morin est titulaire d’un bachelor de Sciences politiques à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), d’un Master d’études européennes à la London School of Economics (LSE) et d’un Master complémentaire d’études russes au University College of London (UCL). De retour à Bruxelles, Il fait le choix de se spécialiser dans les questions urbaines et architecturales. Avec Nadia Everard, il crée La Table Ronde de l’Architecture, centre de réflexion sur l’architecture, l’urbanisme et l’avenir des villes. Devenue l’antenne belge du réseau international INTBAU (International Network for Traditional Building, Architecture and Urbanism), l’association rassemble désormais plus de 500 membres et un vaste réseau autour de deux missions principales : l’école d’été d’architecture de Belgique, où l’association forme pendant un mois des étudiants venus du monde entier à une architecture belle, humaine et durable, et la sensibilisation du personnel politique aux principaux enjeux de l’architecture (la pérennité du bâti et l’embellissement des villes). Au sein de l’Institut Thomas More, il mène une réflexion sur l’avenir des villes, l’urbanisme et la politique du logement • |