Mars 2024 • Note 67 •
Montée de la violence à l’école et autocensure des enseignants : un rapide état des lieux
La violence ne cesse de croître à l’école. Pour l’année scolaire 2021-2022, le ministère de l’Éducation nationale a recensé 12,3 incidents graves pour 1 000 élèves dans l’ensemble des collèges et lycées, en hausse de deux points par rapport à l’année précédente. Parmi ces violences, il en est une qui inquiète tout particulièrement : ce sont les attentats islamistes. De l’attaque contre l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse en 2012 à l’assassinat de Dominique Bernard à Arras en octobre 2023, en passant par celui de Samuel Paty en 2020, l’islamisme s’en prend à l’école et aux enseignants pour ce qu’ils représentent : les symboles des valeurs politiques qu’il rejette.
Face à la violence, les failles de notre contrat social
Dès lors que les enseignants deviennent les cibles de l’idéologie politico-religieuse qu’est l’islamisme, la question de leur sécurité se pose d’une manière nouvelle. Si l’Etat dispose du monopole de la violence légitime, il ne peut « mettre un gendarme-garde du corps derrière chaque enseignant » et « il faut trouver d’autres moyens physiques pour que les enseignants se sentent davantage en sécurité » (Jean-Pierre Obin). Dans le cas où un enseignant est attaqué, le conseil est aujourd’hui de fuir. Mais s’il est acculé, ou si ses élèves sont en danger, n’a-t-il pas l’obligation morale de se battre contre l’agresseur pour éviter le pire ? Si on regarde le problème en face, c’est la conclusion logique, et l’exigence éthique, à laquelle on aboutit. Dès lors, la question de sa formation à la riposte en cas d’agression, en termes de techniques et d’armement de défense, est posée.
Propositions pour promouvoir une culture de l’autodéfense à l’école
L’idée que l’individu a le droit d’assurer sa propre sécurité est peu répandue et même suspecte dans notre pays. Elle est marginalisée dans le débat public. Et pourtant… qui peut soutenir, dans une perspective pragmatique, que disposer d’un bagage minimal de self-defense n’est pas souhaitable au niveau individuel ? Dans le contexte de montée de la violence à l’école, nous croyons venu le temps d’encourager la préparation individuelle à l’autodéfense, en l’occurrence de guider, accompagner et soutenir les enseignants prêts à faire cette démarche. Les propositions que nous formulons ont pour finalité d’armer mentalement et techniquement les enseignants, en sorte qu’ils puissent riposter en cas d’attaque en employant des techniques modérées, maîtrisées et non-létales. Nous proposons ainsi de concevoir une gradation en cinq niveaux d’autodéfense pour protéger nos établissements scolaires : formation aux techniques de self-defense à mains nues des enseignants (Niveau 1) et de lycéens « sûrs » (Niveau 2), formation aux techniques de self-defense avec arme défensive légère (Niveau 3), création d’un service d’ordre interne (Niveau 4) et autodéfense collective avec armes contre-offensives non létales (Niveau 5).
Fausses pistes, résistances et objections
Nous n’ignorons pas les réticences que ces propositions vont provoquer. Elles sont en rupture avec le consensus français en matière de sécurité publique. Elles donnent une forme opérationnelle et pratique à l’idée que les citoyens doivent devenir acteurs de leur sécurité – en l’espèce que les enseignants et une partie (choisie) des élèves doivent le devenir dans leurs établissements. Nous consacrons donc la dernière partie de cette note aux fausses pistes, aux résistances et aux objections qu’on nous opposera : renforcement de la sécurisation matérielle des établissements proposé après l’assassinat de Dominique Bernard ; résistances des experts de la sécurité publique pour lesquels l’État régalien doit demeurer le seul détenteur du monopole de l’exercice de la violence légitime ; résistances du monde enseignant dans lequel règne un irénisme hors de saison et, il faut le dire, irresponsable au regard de la réalité de la violence dans nos écoles.
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L’auteur
Julien Dubuis est professeur agrégé de Sciences économiques et sociales. Il a vécu en Grande-Bretagne et au Brésil, où il a enseigné. Il a également exercé au lycée Gambetta d’Arras, où il a eu la chance de connaître et d’apprécier Dominique Bernard • |