Face à l’hyperviolence des jeunes, comment restaurer l’autorité ?

Christian Flavigny, pédopsychiatre, psychanalyste, directeur de recherche à l’Institut Thomas More

Mai 2024 • Note 68 •


L’hyperviolence des jeunes, un fait de société inquiétant

Depuis quelques mois, la liste tragique des jeunes morts sous les coups d’autres jeunes s’enrichit hélas rapidement. De la mort de Thomas à Crépol (Drôme) en novembre 2023 à celle de Philippe à Grande-Synthe (Nord) le 16 avril dernier, en passant par celle de Shemseddine à Viry-Châtillon (Essonne) moins d’une semaine avant, les Français découvrent la violence extrême d’enfants, âgés de seulement quatorze ou de quinze ans parfois. À ces cas tragiques, il faut ajouter la longue chronique des passages à tabac, rackets, harcèlements (réels ou numériques), d’enseignants molestés ou menacés par un ou des élèves, etc. L’hyperviolence des jeunes a désormais quitté la catégorie des faits divers pour rejoindre celle des faits de société.

Le vain appel de Gabriel Attal au « sursaut d’autorité »

Face au phénomène, les pouvoirs publics, manifestement pris au dépourvu, multiplient les annonces. En déplacement à Viry-Châtillon après la mort de Shemseddine, le Premier ministre Gabriel Attal a dévoilé un plan visant à replacer « l’autorité au cœur de la République ». Tout à sa vision technocratique, il a donné « huit semaines » pour faire aboutir un « travail collectif » de concertation, avec « un point d’étape central dans quatre semaines ».

Sans attendre, il a présenté un premier catalogue de mesures avec un volet scolaire (présence obligatoire des élèves au collège de 8h à 18h, internat, respects dû aux enseignants, responsabilisation des parents, tâches communes dans l’établissement, sanctions au brevet, au CAP ou au bac pour les perturbateurs, etc.), un volet judiciaire (atténuations à l’excuse de minorité, possibilité de mettre en place une comparution immédiate devant le tribunal pour les jeunes à partir de 16 ans) et un volet sociétal (régulation de l’usage des écrans, lutte contre le trafic de drogue, lutte contre l’entrisme d’« idéologies contraires à la République »). En concluant la présentation de cet énième plan, le chef du gouvernement a solennellement appelé à un « sursaut d’autorité » dans une « République qui contre-attaque ».

L’autorité ne sursaute pas, elle se légitime

Tout cela a de quoi laisser circonspect. S’alarmer de l’hyperviolence actuelle des jeunes est évidemment justifié. Et si les faits décrits ne sont pas excusables (les excuser serait d’ailleurs contraire à l’intérêt des jeunes concernés), encore s’impose-t-il d’en comprendre les causes – non pas seulement la cause déclenchante, qui confine au fait divers, mais les causes profondes qui en font un reflet des maux dont souffre notre société d’aujourd’hui. On verra alors que l’autorité ne sursaute pas, elle se légitime.

Téléchargez la note

L’auteur

Christian Flavigny est pédopsychiatre et psychanalyste et a longtemps dirigé le Département de Psychanalyse de l’enfant à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Il est également expert agréé pour l’adoption (Seine-Saint-Denis et Morbihan). Il a été auditionné à de nombreuses reprises par les commissions des Lois et des Affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat (accouchement sous X, adoption, mariage entre personnes de même sexe, GPA, transsexualité chez les mineurs), par le Conseil d’Etat et le Comité consultatif national d’éthique. Il est directeur de recherche à l’Institut Thomas More depuis 2016 et analyse les évolutions sociétales contemporaines qui touchent et transforment la famille. Il est l’auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages sur ces sujets, dont le dernier Comprendre le phénomène transgenre. La solution par la culture française (Ellipses, 2023)