Immigration · Les leçons du gouvernement Meloni

Jean-Thomas Lesueur, directeur général de l’Institut Thomas More

31 août 2024 • Opinion •


L’annonce par le ministère italien de l’Intérieur d’une baisse de 65 % du nombre d’entrées irrégulières entre le 1er janvier et le 27 août 2024 par rapport à l’année précédente constitue un démentie substantiel à tous les fatalistes qui expliquent qu’on a tout essayé face à la question migratoire. On pense ici à Gérald Darmanin qui expliquait doctement en décembre 2022 qu’« il ne sert à rien d’être contre. Que veut dire être contre le mouvement des hommes et de la terre ? ».

Il est intéressant, et utile, de se demander comment a fait le gouvernement Meloni pour atteindre ce résultat, attendu par une majorité d’Italiens. Et il faut d’abord rappeler que c’est une tâche extrêmement ardue – sur laquelle le gouvernement a d’abord connu des ratés (113 500 clandestins débarqués en 2023 contre 55 000 en 2022). L’immigration étant un phénomène complexe et total – à la fois politique, économique, social et culturel –, elle appelle une politique qu’on peut qualifier d’intégrale, embrassant tous ses aspects.

Une première condition du succès est d’afficher un objectif clair de baisse des flux – et non pas seulement de « contrôle » ou de « maîtrise ». L’autorité politique passe ainsi un contrat sans équivoque avec son peuple, contrat qui l’oblige. La couleur est également clairement annoncée aux candidats au départ, aux passeurs, aux pays de départ, à l’administration, aux ONG. C’est ce qu’a fait Georgia Meloni lors de son arrivée au pouvoir en octobre 2022.

Mais le grand enjeu est de comprendre que l’essentiel du fait migratoire se joue au départ. Un migrant engagé dans son périple, ayant payé une somme importante pour lui à un passeur, renoncera difficilement. Un bateau lancé sur la Méditerranée devient un enjeu humanitaire sensible. Un migrant ayant posé le pied sur le sol d’un pays d’Europe bénéficie de protections nombreuses, dont certaines seulement sont légitimes, qui rendent toujours complexe et coûteux son renvoi. Bref, l’objectif de baisse des flux migratoires doit, non pas exclusivement mais d’abord, être un tarissement à leur naissance.

C’est ce qu’a compris le gouvernement Meloni en mettant le paquet sur l’amont du parcours des migrants visant le sol italien. Et cela de deux façons. D’abord en concluant des accords de coopération avec les pays méditerranéens d’où est issue l’immigration illégale qui débarque sur les plages italiennes, c’est-à-dire avec la Libye et la Tunisie. Plus de 9 000 clandestins auraient déjà été rapatriés vers ces deux pays depuis le 1er janvier 2024. Ensuite en durcissant les conditions de l’immigration clandestine : renforcement des peines contre les passeurs, facilitation des refoulements (qui ne tiennent plus compte d’éventuels liens familiaux entre les clandestins et des personnes résidant en Italie), restriction du droit du travail pour les demandeurs d’asile, encadrement de l’activité des ONG de sauvetage de migrants.

Cette rapide description prouve donc qu’il est possible d’agir en matière migratoire. Mais il ne faut pas se contenter de ce succès du gouvernement Meloni. D’abord parce qu’il est fragile. L’entente avec les pays de départ revient à leur donner un moyen de pression. L’accord avec le président tunisien Kaïs Saïed a été difficile à obtenir et les dirigeants italiens ont été eux-mêmes surpris qu’il l’applique diligemment. A Rome, on se demande combien de temps cela durera. Ensuite, parce que la fermeté italienne a transféré la pression migratoire sur la Grèce et l’Espagne. Les débarquements ont augmenté de 222 % en Grèce et de 155 % en Espagne.

Enfin parce que, nous l’avons dit, la question migratoire est un phénomène total. Elle n’est pas une simple variable de la politique économique et sociale, comme on le prêche depuis cinquante ans : c’est une question existentielle en ce qu’elle touche à l’identité et à l’avenir des peuples et de leur culture. Si le gouvernement Meloni semble avoir trouvé une parade à l’immigration illégale, ce n’est pas le cas pour l’immigration légale, qui a augmenté de 50 % en 2023.