Trump 2024, la revanche d’une Amérique en colère

Gilles Delafon, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Octobre 2024 • Points Clés 27 •


Alors que nous ne sommes plus qu’à trois petites semaines de l’échéance, Donald Trump concentre l’essentiel de l’attention dans la course à la Maison blanche. Décrié comme le démon ou adulé comme l’élu, sa victoire est parfaitement envisageable. Mais le Trump de 2024 n’est ni celui de 2016, ni celui de 2020. Donné politiquement mort lors de son départ en janvier 2021, après la prise d’assaut du Capitole par les plus enragés de ses partisans, il a su renaître de ses cendres et se replacer au centre du jeu. Comprendre pourquoi et comment est l’objet de cette note. Porté par une base de partisans et de sympathisants dévoués, dont sa rhétorique sombre et outrancière a su lier le sort au sien, il a pris le contrôle total du Parti républicain et fait élire des candidats MAGA à travers le pays. A leur tête, il agit comme le général en chef d’une guerre politique et culturelle à outrance. Plus qu’un simple mouvement politique, ses partisans constituent désormais une communauté qui réclame vengeance contre l’establishment, les fonctionnaires déloyaux et l’« État profond ». Donald Trump est l’homme que s’est choisi une certaine Amérique en colère. S’en indigner ou s’en inquiéter ne suffisent pas. Quel que soit le résultat au soir du 5 novembre, ce sont les ressorts du mouvement qui porte Trump 2024, plus que le candidat lui-même, qui interrogent nos démocraties et leur avenir. Ils en disent long sur les enjeux de demain, sur les défis à relever et les responsabilités à assumer.

 

À moins d’un mois du scrutin prévu le 5 novembre 2024, Donald Trump reste l’acteur majeur de la prochaine élection présidentielle américaine. Plus que jamais, celle-ci tourne au référendum autour de sa personne. Décrié comme le démon ou adulé comme l’élu, bête noire des médias, objet de trois affaires judiciaires avec 91 chefs d’inculpation, cible de deux tentatives d’assassinats, l’ex-président demeure au coude à coude avec sa rivale démocrate Kamala Harris. Dans ce scrutin ultraserré, qui voit les électorats complétement « calcifiés » tant les antagonismes qui les divisent semblent irréconciliables, le républicain conserve toutes ses chances. Figés dans la marge d’erreur, les sondages avouent leur impuissance. A tel point que, selon les experts, ce sera la capacité à mobiliser les électeurs, davantage que le travail de conviction à leur encontre, qui fera la différence le jour J.

L’économie, toutefois, semble s’imposer ces derniers temps comme l’élément décisif dans le choix des 230 millions d’électeurs. Un classique. « Vivez-vous mieux aujourd’hui qu’il y a quatre ans ? », interrogeait déjà en 1980 le candidat Ronald Reagan en campagne. Dans ce domaine, Donald Trump est jugé plus crédible que son adversaire démocrate – même si son avantage se réduit au fil des dernières semaines.

Oui, quatre ans après son piteux départ de la Maison Blanche, la réélection de Donald Trump est parfaitement envisageable. Quel serait alors son programme et son comportement ? Que ferait-il, lui qui multiplie menaces à l’encontre de ses adversaires et promesses de règlements de compte ? N’a-t-il pas prévenu dès décembre 2023 : « Je ne serai pas un dictateur, sauf le premier jour ». Dans un post publié en 2022, il promettait à son retour au pouvoir « d’en finir » avec la Constitution américaine, avant de démentir ses propos. Inquiétante promesse dans la bouche de celui qui, par deux fois, a fait l’objet d’un début de procédure de destitution lancée par le Congrès. Des menaces suffisantes pour que ses opposants et une grande partie des éditorialistes du pays, dont certains républicains comme Robert Kagan, stigmatisent le risque de « destruction » à venir de la démocratie américaine.

Mais au-delà de ses provocations, de ses outrances et de ses séductions, en quoi le Trump de 2024 est-il différent du vainqueur inattendu de 2016 et du perdant de 2020 ? Que changerait-il dans la façon de gouverner le pays ? Bousculerait-il les institutions ? Que déciderait-il en matière d’économie et de fiscalité ? Que ferait-il sur l’immigration et l’avortement ? Se retirerait-il de l’OTAN ? Lâcherait-il l’Ukraine ? Telles sont les questions qui se posent à nous.

Pour y répondre, il faut tenter de comprendre comment Donald Trump, donné politiquement mort en 2021, a su renaître et revenir sur le devant de la scène, comment il a mis la main sur le Parti républicain, comment il a accompagné et favorisé l’enracinement du mouvement MAGA dans le paysage politique américain, comment il a su se faire le porte-voix de partisans, d’électeurs et de sympathisants subjugués. En un mot : comment il a su devenir celui que s’est choisi une certaine Amérique en colère. Réponse en douze points d’analyse.

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L’auteur

Gilles Delafon est un ancien journaliste, spécialiste des affaires internationales, aujourd’hui consultant en communication stratégique. Correspondant à Beyrouth pendant la guerre du Liban de 1984 à 1988, il est l’auteur de Beyrouth, les soldats de l’islam (1989), l’un des premiers livres à alerter sur le danger islamiste. Grand reporter et éditorialiste au Journal du Dimanche de 1989 à 2008, il couvre les crises du Moyen-Orient, dont les deux guerres d’Irak et le processus de paix israélo-palestinien. Responsable de l’information de Canal + de 2008 à 2016, il est également l’auteur de Le règne du mépris. Nicolas Sarkozy et les diplomates 2007-2011 (2012). Diplômé de l’université de Columbia (New York), il a rejoint l’équipe de recherche de l’Institut Thomas More en septembre 2023, où il suit le Moyen Orient (Israël, Liban, États du Golfe) et la politique étrangère américaine