10 décembre 2024 • Opinion •
Les semaines de débat sur le budget ont rappelé la foi indéfectible de la classe politique française en l’Etat providence. A gauche, mais également à droite, déplore Tristan Audras, enseignant agrégé d’économie, coauteur de la note La grande parade continue : socialisme mental et extension sans fin du domaine de l’État.
Nous y voilà ! Pour la première fois depuis 1962, l’Assemblée nationale s’est exprimée en faveur de la censure. Moment historique pour les uns, folie irresponsable pour les autres, la censure annule temporairement l’ensemble des négociations budgétaires en cours depuis plusieurs semaines. Si la séquence à venir demeure incertaine, celle qui vient de s’écouler est riche d’enseignements. Le débat sur le budget fut, en effet, révélateur d’une croyance profondément ancrée dans la classe politique française : la foi indéfectible en l’État providence.
Dans son livre, La Grande Parade, Jean-François Revel dénonçait au début des années 2 000, l’interventionnisme permanent de l’État et l’extension sans fin de son domaine d’activité. Depuis octobre, les différents projets de loi, nous ont révélé à quel point les parlementaires, de droite comme de gauche, semblent incapables de sortir de ce cadre mental.
Arrivé à Matignon en septembre dernier, Michel Barnier a sans nul doute été confronté à une situation gravissime. Avec les 6,1 % de déficit qui se profilent pour 2024, un sérieux réajustement des comptes publics était attendu. Pour le ramener à 5 % dès 2025, le Premier ministre a voulu jouer sur les deux tableaux : baisse des dépenses d’un côté (40 milliards) et une hausse de la fiscalité de l’autre (19 milliards). Ce deuxième choix laisse déjà perplexe.
Dans La Chasse à l’homme, en 1964, Jean-Paul Belmondo prononçait ces mots de Michel Audiard : « Deux milliards d’impôts ! J’appelle plus ça du budget mais de l’attaque à main armée ! ». 19 milliards ! Qu’aurait dit le dialoguiste des Tontons Flingueurs ? Dans un pays où 48% de la richesse est déjà prélevée par la puissance publique (chiffres, Eurostat), ces nouvelles hausses d’impôts apparaissaient pour le moins exorbitantes. Contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus, taxe sur les superprofits, taxe sur les billets d’avion… voilà encore de quoi alourdir dangereusement un système fiscal déjà surchargé et complexe. Et la simplification n’était, semble-t-il, pas à l’ordre du jour. Au contraire même, puisque les parlementaires, loin de retenir la main déjà lourde du gouvernement, avaient décidé eux aussi de proposer leurs propres contributions : taxe sur les « superdividendes », impôt sur le patrimoine des milliardaires, impôt universel pour les multinationales, etc. En bref, des impôts, des impôts, toujours des impôts.
Aucun diagnostic sérieux sur la place de l’État, non seulement dans l’économie mais dans toute la société, n’a été posé au cours des débats. Les 40 milliards d’économies initialement proposées par le gouvernement apparaissaient complètement dérisoires au regard du poids excessif de l’intervention publique en France. En 2023, les dépenses publiques représentaient 1 608 milliards d’euros, soit 57 % du PIB. Parmi ces dépenses, environ 32% concernaient la protection sociale. Suffisant, pensez-vous ? Pas pour les députés qui avaient par exemple adopté une augmentation de 2,8 % du budget de la Sécurité sociale.
Toutes les décisions politiques ne semblent aller depuis plusieurs années que dans le sens d’un renforcement du paradigme étatiste. Le poids de l’administration semble même ne plus avoir de limites. Un chiffre parmi d’autres : le nombre de pages du Journal officiel a plus que doublé en moins de vingt ans.
Si l’attitude des oppositions de gauche n’est guère surprenante, elle l’est davantage parmi les élus de droite qui devraient enfin ouvrir les yeux sur l’essoufflement d’un modèle qui conduit le pays à la ruine. Au-delà des considérations techniques, certes complexes, c’est le débat politique et presque philosophique qu’ils semblent vouloir éviter à tout prix. La question est pourtant simple : voulons-nous sortir du modèle « étato-consumériste » décrit par Jérôme Fourquet, avant qu’il ne s’effondre brutalement ?