Recommandations de la HAS sur la transidentité · Un danger pour l’intégrité physique et mentale des jeunes

Christian Flavigny, pédopsychiatre, psychanalyste, directeur de recherche à l’Institut Thomas More

16 décembre 2024 • Opinion •


Alors que des pays font machine arrière sur la transition de genre pour les mineurs, la Haute Autorité de santé française privilégie des mesures qui apparaissent aujourd’hui comme de graves erreurs. Analyse de Christian Flavigny qui a publié Comprendre le phénomène transgenre (Ellipses, 2023).


Depuis quelques jours, on parle beaucoup d’un rapport préparé par la Haute Autorité de Santé (HAS) qui préconise des mesures en faveur des « personnes transgenres ». Sans le dire, ces mesures reflètent que se ressentir de l’autre sexe équivaudrait à être de l’autre sexe, thèse d’une erreur d’attribution corporelle par la Nature qui aurait mis « une âme de fille dans un corps de garçon » (ou l’inverse), erreur qu’il conviendrait de corriger comme il en va de toute anomalie corporelle. Mais cette explication par un « bug naturel » qui aurait placé dans le « mauvais corps » demeure une hypothèse, pour le moins hasardeuse.

Le rapport de la HAS omet qu’il existe une autre explication : elle se réfère à l’établissement en enfance et en adolescence de l’identité sexuée. L’enfant sait tôt qu’il y des garçons et des filles. Cela le motive à observer ses parents pour s’approprier ce qui anime en eux : le masculin chez son père, le féminin chez sa mère. Il s’identifie à eux, dans l’espoir de répondre au mieux à ce qu’il ressent de leurs attentes d’avoir un fils ou une fille. Le lien filial peut alors s’embrouiller, sans que ce soit la faute des parents ou celle de l’enfant, si lors de la puberté ces attentes semblent à l’enfant difficiles à satisfaire. Cela peut générer la souffrance transgenre, la réalité corporelle ressentie « incongruente » avec cet espoir.

La compréhension psychodynamique n’engage pas un étiquetage psychiatrique, mais un retissage de la construction identitaire embarrassée. Le vœu émis de transitionner vers l’autre sexe est compris comme une angoisse de sexuation pubertaire, abordée par le psychologue sans a priori et dans le strict respect de l’épanouissement personnel, ce que permet le fait de comprendre en profondeur le désarroi duquel elle émane. À noter qu’elle éclaire aussi la demande de détransition que l’on sait fréquemment survenir plus tard, dans un effroyable regret – ce qu’élude le rapport de la HAS.

L’omission de la compréhension psychodynamique est une faute éthique commise par la HAS. Traduirait-elle que le groupe d’« experts » commissionnés n’aurait pas respecté les équilibres d’un débat en cours dans la vie sociale française et internationale ? Qu’ils ignoreraient que de nombreux pays qui se voulurent pionniers déconseillent désormais les préconisations qu’ils proposent ? Il s’ensuit deux autres fautes d’une authentique gravité.

La HAS néglige que la lente maturation de l’établissement sexué chez l’enfant puis sa mise en expérience progressive chez l’adolescent, fonde à récuser qu’un processus médico-chirurgical de transition soit engagé avant la majorité légale : le jeune ne peut mesurer l’impact d’une telle décision sur sa vie future. Sans doute les « experts » l’ont-ils pourtant perçu : là où il s’agit de se garder d’une immédiateté en réponse à l’impatience juvénile d’être soulagé, leur rapport à l’inverse recommande « d’aller vite » chez les mineurs de 16 ans. Leur préconisation est une atteinte à l’intégrité physique et mentale des jeunes – même s’il faut bien sûr entendre la souffrance avec empathie et sérieux – sans que cela valide de précipiter une réponse aux effets irréversibles.

En outre, la recommandation d’écarter les parents de la décision d’un jeune mineur d’engager sa « transition » traduit la même tentative d’entraver toute réflexion : elle prétend protéger les jeunes d’un désaccord de leurs parents. Or ce désaccord mérite, dans l’intérêt même du jeune, d’être connu et discuté, sans qu’il s’agisse de soumettre le jeune au dictat parental. L’entretien pédopsychiatrique peut jouer ce rôle, sans parti-pris autre que d’aider à projeter l’avenir. Cela contribuera à une maturation permettant, une fois atteinte la maturité adulte (vers les 25 ans), de comprendre qu’il n’y a jamais de « changement de sexe » : juste une modification d’apparence sexuée, même si elle peut apparaître alors comme profitable pour se garantir une vie heureuse.