
20 juillet 2025 • Analyse •
Le programme national d’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Evars), entrera en vigueur à la rentrée scolaire dans tous les établissements. Christian Flavigny, auteur de Comprendre le phénomène transgenre (Ellipses, 2023) dénonce pour Le Journal du Dimanche une confusion entre les rôles dévolus à l’école et ceux relevant de la famille.
Un « enseignement de la sexualité » n’est pas du registre de l’école. Son rôle est l’initiation à la connaissance : elle ne peut informer du vécu de la sexualité qu’en perturbant l’équilibre psychique de tous les enfants. La petite enfance (de 0 à 6 ans) découvre en effet qu’il y a deux sexes, garçons et filles, et s’interroge sur « pourquoi ». L’interrogation cherche réponse dans le fait qu’il y a des papas et des mamans et se transforme en « comment viennent les enfants ? » – interrogation affective qui devient « Pourquoi les parents désirent-ils avoir des enfants ? » Elle débouche sur la romance œdipienne, façon pour l’enfant d’inscrire sa place dans le vécu qu’il imagine de la sexualité des parents.
S’ensuit une période « de latence » (de 6 à 12 ans) qui apaise cette agitation intérieure désordonnée. Elle s’établit derrière un mécanisme psychique protecteur : un déni de la différence des sexes (le « Verleugnung » décrit par Freud en 1923). La dualité des sexes est ainsi connue en récusant tout rapprochement intime entre eux, donc le vécu de la sexualité. Cette pensée affective tient qu’il n’y a qu’un seul sexe, un « super-sexe » en quelque sorte que seules détiennent les grandes personnes, pères et mères capables de faire des enfants. Cette pensée saisit sur le même mode l’autre thème existentiel : la mort, seulement conçue comme une absence prolongée.
C’est alors qu’émerge une pensée cognitive, clivée de la pensée affective et détachée de toute sexualité. Elle soutient les apprentissages fondamentaux de l’école primaire : le « saut épistémologique » vers la maîtrise du langage écrit ouvre l’enfant au monde inconnu des vivants et des morts. Les enseignants savent l’enjeu sensible de la traversée qui mène à la langue écrite, franchissement d’un arbitraire de la langue à surmonter pour accéder au sens : B et A = BA, T et O = TO, mais accolés : « ba-to », oui maîtresse, « bateau ». La connexion s’établit alors avec les souvenirs de l’enfant. Le déchiffrage devient la lecture grâce au rôle de passeur de l’enseignant.
Les parents seuls sont légitimes auprès de l’enfant sur le registre de la sexualité : leur parole sur ce sujet, cadrée par le lien filial, ne fait pas effraction à la vie psychique de l’enfant. Les enseignants sont les passeurs des savoirs sur le monde, l’initiant au grand mystère de la connaissance. Leur intervention sur ce thème aurait un caractère troublant : c’est en cela que le programme EVARS ne respecte pas l’équilibre enfantin entre pensée affective et pensée cognitive. Il embrouille les deux registres.
Il ne favorise en rien la lutte contre les abus sexuels ou les pratiques incestueuses, comme il le prétend – sauf à demander aux enfants de s’auto-protéger, ce qui méconnaît l’emprise psychique où les met de tels abus. Ce pourquoi l’école a un rôle important, c’est dans le signalement de ces sévices, en informant au plus tôt les professionnels de la protection de l’enfance (ce qu’on appelle l’« information préoccupante »), charge à ceux-ci d’évaluer la situation.
Comme toujours, la plupart des enfants trouveront un apaisement familial à la perturbation psychique créée par l’« enseignement de la sexualité ». Seuls ceux dont le milieu familial ne le permettra pas en pâtiront. Les associations de parents sont fondées à contester ce programme : ils doivent aussi récuser la notion même de « co-éducation » promue par des syndicats enseignants. À chacun son registre, à chacun son rôle, et les enfants seront bien élevés.