Le plébiscite pour la taxe Zucman, symptôme du socialisme mental français

Alban Magro, chercheur associé à l’Institut Thomas More

22 septembre 2025 • Analyse •


Selon un sondage de l’Ifop, 86 % des Français sont favorables à l’instauration de la taxe Zucman. Alban Magro, chercheur associé à l’Institut Thomas More, voit derrière ce chiffre la persistance d’un triptyque mensonger qui irrigue notre imaginaire collectif depuis des décennies.


La proposition de Gabriel Zucman d’instaurer une taxe annuelle de 2 % sur les patrimoines supérieurs à cent millions d’euros n’est pas qu’un nouvel épisode dans la longue et tumultueuse histoire fiscale française. Elle incarne le symptôme d’un socialisme mental profondément enraciné, ce vieux réflexe national qui continue de dicter nos débats et d’orienter notre vie publique. Jean-François Revel avait raison d’alerter en 2000 sur la « survie de l’utopie socialiste » dans notre pays. La chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS dix ans plus tôt n’avaient suffi à son extinction. Vingt-cinq ans plus tard, la preuve est faite – et pas seulement sur les bancs de la gauche.

Pour preuve le dernier sondage IFOP qui révèle un large plébiscite en faveur de cette taxe : 86 % des sondés s’y disent favorable. Un tel résultat confirme l’ancrage profond d’un triptyque mensonger qui irrigue notre imaginaire collectif depuis des décennies. Trois mensonges qui conduisent la France à applaudir des illusions et à se précipiter vers l’erreur. Au point de voir Éric Coquerel, député insoumis, présider la commission des finances… et près de neuf électeurs de la droite LR sur dix se déclarer favorables à cette taxe.

Le premier mensonge, en amont, consiste à gonfler les chiffres des inégalités fiscales. Rien de plus efficace que de jeter au visage du citoyen la « preuve » que les « pauvres » paient proportionnellement davantage que les « riches ». On entend ainsi parler de 40 % de prélèvements sur les revenus des 10 »% les plus modestes, contre seulement 27 »% pour « les milliardaires », cibles désignées de la taxe Zucman. Présenté ainsi, le scandale paraît évident : le riche vivrait en parasite sur le dos de l’État-providence. Mais c’est un mirage. Sitôt qu’on prend en compte l’ensemble des prélèvements et des aides, qu’on cesse de confondre l’entreprise et son propriétaire et qu’on raisonne en revenu disponible brut — bref, qu’on fait de l’économie — la réalité est tout autre : les plus modestes contribuent en moyenne à hauteur de… 8 % de leur revenu contre 42 % pour les plus riches. Ce premier mensonge est donc une manipulation comptable, une indignation fabriquée qui installe l’idée fausse que les plus riches ne porteraient pas leur part du fardeau. Et dans ce décor falsifié, la taxe Zucman devient naturellement la solution miracle.

Le second mensonge, en aval, est de faire croire qu’une taxe de ce type remplirait les caisses. On annonce vingt milliards de recettes. Sept économistes, dans une tribune récente, n’en comptent plus que cinq et la réalité risque de révéler une addition bien plus cruelle. Car l’impôt n’agit pas sur des chiffres figés mais sur des hommes qui arbitrent, qui optimisent et dont la richesse se dérobe à mesure qu’on croit la saisir. C’est oublier une leçon vieille comme la courbe de Laffer : trop d’impôt tue l’impôt. L’exemple norvégien le rappelle crûment : après la hausse de l’ISF local, 82 contribuables très fortunés ont quitté le pays en emportant près de quatre milliards de dollars d’actifs. Autrement dit, croire que la taxe Zucman rapportera « plein pot » est d’une naïveté dangereuse — sans parler de l’absurdité que cela représenterait pour les patrimoines non cotés, sommés de trouver du cash là où il n’y en a pas, et du choc d’attractivité dénoncé par l’écosystème start-up. Bref, on se promet une manne, on récolte un maigre filet d’eau et on fragilise l’investissement.

Mais ces deux mensonges n’existeraient pas sans leur père : le moteur idéologique qui les rend possibles. Le troisième est en effet le plus insidieux : celui qui installe l’idée qu’avant de regarder la dépense publique, il faut d’abord ajouter un impôt. L’idée qu’on combat l’injustice fiscale par la taxation, jamais par la maîtrise de l’État. La France est déjà le pays le plus taxé de l’OCDE, à près de 44 % du PIB. Mais cela ne suffit pas : on réclame encore un « effort » aux riches. On nous promet d’ailleurs que cette taxe serait « suffisante », avant qu’un Thomas Piketty ne la décrète aussitôt « minimum syndical ». La pente est connue : une fois ouverte, la boîte de Pandore ne se referme jamais. Et pendant ce temps, on n’interroge pas le vrai problème : la dépense publique incontrôlée, l’extension sans fin du domaine de l’État, l’empilement de niches, l’étouffement de la production. Sans ce père idéologique — cette idée que la morale fiscale prime sur l’économie réelle —, les deux autres mensonges s’effondreraient aussitôt.

Au fond, la taxe Zucman n’est pas un projet fiscal mais une croyance. Croyance qu’un incendie s’éteint en le dirigeant vers la caserne des pompiers, qu’un coup de menton remplacera le problème de fond. Mais cette croyance n’est que l’expression d’un socialisme mental qui, depuis des décennies, préfère punir l’argent plutôt que libérer l’économie. Ne nous y trompons pas : ce n’est pas en visant les riches que l’on combattra la pauvreté mais en s’attaquant à la cause de l’incendie — notre addiction à la dépense et à l’impôt.