20 juillet 2025 • Analyse •
Christian Flavigny, publiera en janvier 2026 son nouveau livre intitulé La France écartelée. Entre américanisation et islamisation, chez Téqui.
Le sondage de l’IFOP récemment paru, qui fait couler tant d’encre, nous le confirme donc : la charia l’emporte en prestige sur les « lois de la République » chez une majorité de jeunes musulmans. Cela appelle bien sûr une réflexion sur une immigration à majorité musulmane et sur la démarche conquérante de l’islam. Il ne faut pourtant pas ignorer l’essentiel : nous sommes les responsables du mépris que leur inspirent ces lois, qui provoque leur adhésion compensatoire à une culture qui doit son prestige au fait de les contester.
C’est particulièrement le cas pour les lois sociétales de ces dernières années. Le législateur français a commis une erreur, non d’intention mais de méthode. Il a voulu que la diversité des inclinations de vie sexuelle ait place dans la vie des familles ; soit. Mais pour ce faire, il a importé la pratique nord-américaine autorisant qu’un enfant soit conçu sans père ; là résida l’erreur. La pratique nord-américaine est factuelle, elle n’éradique pas le principe de paternité, lequel est aux États-Unis dévolu au registre religieux qui y gère les repères anthropologiques : le Président prête serment sur la Bible, le mariage religieux vaut mariage au civil, etc. C’est la raison pour laquelle le principe français de laïcité y est incompris, et dénoncé comme liberticide.
C’est l’inverse en France, pays laïque dont le droit, contrairement à la common law anglo-saxonne, intègre le principe anthropologique. Les pratiques de l’adoption illustrent cette différence d’approche. En culture française, légaliser qu’un enfant puisse être privé d’avoir son père disqualifie le principe de paternité pour tous les enfants : le père est devenu un personnage facultatif de la vie de toutes les familles françaises. Le législateur des lois de 2013 (adoption) et de 2021 (PMA) avait pourtant été avisé que son but pouvait être atteint sans vider l’horizon culturel français de la figure du père.
La radicalisation des jeunes élevés dans la tradition musulmane traduit une façon de combler ce vide de repères symboliques. Beaucoup, à l’exemple de leurs parents, acceptent le primat des lois françaises sur la religion. Mais qu’ils aient souffert de vies familiales désorganisées, notamment d’une carence de présence paternelle, comme cela devient fréquent dans beaucoup de familles françaises de toutes confessions, ils ne trouvent alors pas, dans la vie sociale qu’ils découvrent, le relais symbolique cohérent auquel se référer pour se projeter dans leur avenir. La France ne les fait plus rêver.
Leur radicalisation n’est pas sans un dépit du renoncement culturel auquel les élites françaises ont sacrifié, par idéalisation du modèle étatsunien. Il suscite leur mépris d’un pays qui sabote sa propre culture plutôt que la valoriser et la perpétuer, recourant à l’importation de pratiques étrangères comme le « transgenrisme », pure production culturelle nord-américaine brouillant la compréhension psychologique française de la relation égalitaire homme-femme.
Leur radicalisation nous inquiète parce qu’elle prend le contrepied : combler l’éviction de la figure du père par la soumission à Allah, figure divine intraitable ; adhésion religieuse radicale (c’est-à-dire jusqu’aux racines) face à la désagrégation – non pas seulement de la foi, mais des racines catholiques de la culture française ; rigorisme conquérant faisant un pied de nez au laxisme social qui prétend les respecter ; ancrage identitaire affiché face à une identité française déliquescente. Et surtout : posture d’héritiers assumant l’héritage culturel reçu de leurs aïeux, face à notre négligence d’une transmission historique et culturelle devenue évanescente sous le prétexte de « l’ouverture à l’Autre ». Leur radicalisation nous tend un miroir impitoyable. Mais elle pourrait, elle devrait, être l’occasion d’une réflexion sur notre démission culturelle qui nous laisse tiraillés entre américanisation et islamisation.