Photovoltaïque en France · Stop !

Laetitia Puyfaucher, spécialiste des enjeux énergétiques

Décembre 2025 • Rapport 34 •


La déferlante chinoise : un dumping hors norme aux conséquences lourdes

La filière solaire mondiale est aujourd’hui dominée par la Chine, qui contrôle environ 95 % de la production de polysilicium de qualité solaire et fournit 95 % des panneaux installés en Europe. Cette hégémonie, construite via des subventions massives, du dumping et des barrières douanières, a entraîné l’effondrement des industries américaine et européenne notamment : 25 fabricants américains ont fermé entre 2012 et 2017 et les importations européennes de panneaux chinois sont passées de 5,5 milliards d’euros en 2018 à 20 milliards en 2023. En France, les importations atteignent 1,2 milliard en 2024, pour un taux de couverture de seulement 7 %. Jusqu’à 40 % du polysilicium mondial provient du Xinjiang, région liée à des allégations massives de travail forcé des Ouïghours. Enfin, la facture carbone de la production chinoise est particulièrement lourde : une production européenne réduirait jusqu’à 60 % l’empreinte carbone des panneaux.

« L’énergie préférée des Français » : quand les biais cognitifs rencontrent des intérêts particuliers

Il est vrai que le solaire bénéficie d’un soutien massif des Français, qui sont 79 % à lui font confiance pour garantir l’indépendance énergétique. Cette perception repose sur des biais cognitifs tenaces, des illusions collectives (comme celle d’un solaire gratuit) et les stratégies habiles de certains acteurs économiques et politiques. La réalité est pourtant que le solaire a déjà capté 32 milliards d’euros de subventions en moins de vingt ans et a reçu près de 4 milliards cette année. Malgré son coût élevé, sa faible performance en termes de décarbonation et les problèmes d’intégration au réseau qu’il pose, le solaire reste pour le moment le « chouchou » des politiques.

Pas de besoins identifiés de capacités additionnelles à horizon 10 ans

Depuis les années 2000, la consommation électrique française baisse, restant cette année 6 à 7 % sous la moyenne 2014-2019 (soit -30 TWh). Cette tendance s’explique par une meilleure efficacité énergétique, la désindustrialisation, la sobriété, la hausse des prix et des hivers plus doux. D’ici à 2035, la croissance devrait rester inférieure à 1 % par an ; RTE retient même 0,65 %. Les trois moteurs attendus (mobilité électrique, industrie, hydrogène) sont en retrait – ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle. Les centres de données, quant à eux, pourraient atteindre une consommation de 23 à 28 TWh à horizon dix ans, absorbables par le système.

Un coût financier exorbitant et des risques financiers

Le développement du photovoltaïque en France métropolitaine génère une forte hausse des subventions. Les charges de service public de l’énergie (CSPE), liées aux tarifs d’achat garantis, atteignent 3,8 milliards d’euros en 2025 et devraient monter à 4,4 milliards en 2026, pour un total cumulé de 31,9 milliards depuis 2003. La programmation pluriannuelle de 3e échéance (PPE 3, version mars 2025) prévoit encore 9 à 55 milliards de soutien supplémentaire au photovoltaïque d’ici 2060, selon les prix de marché, sommes qui viendraient s’ajouter au 30 à 51 milliards d’euros déjà engagés et restant à payer. En sus, 2,2 milliards de coûts de raccordement mutualisés via le TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) entre 2025 et 2028, selon la CRE, et une hausse rapide des écrêtements : en 2025, la production solaire écrêtée atteindrait 10 %, contre 5 % en 2024 et 1 % en 2023. Le solaire impose aussi des coûts de flexibilité, peut déstabiliser le réseau et provoque l’éviction croissante du nucléaire (modulation forcée estimée : 15 TWh en 2024, 8,7 TWh au premier semestre 2025).

Risques cybers liés à la dépendance à la Chine

La dépendance à la Chine crée en outre une vulnérabilité stratégique majeure. D’abord parce que Pékin pourrait réduire d’un tiers sa production de polysilicium, accentuant le risque d’approvisionnement. Mais surtout à cause de la dépendance numérique. En 2024, plusieurs rapports américains de cybersécurité ont révélé la présence de modules de communication non documentés dans certains onduleurs chinois. Or, 219 GW de capacité solaire en Europe fonctionnent aujourd’hui avec des onduleurs chinois. Une étude de mars dernier identifie 420 000 systèmes vulnérables, susceptibles de provoquer des coupures coordonnées et des instabilités majeures du réseau.

Sept mesures pour reprendre le contrôle

Forts de l’ensemble de ces éléments, nous proposons sept mesures pour sécuriser et mieux encadrer le développement du photovoltaïque en France. Nous préconisons d’abord (1) un audit de sécurité des installations solaires critiques et d’y interdire les onduleurs disposant d’une interface de communication externe non certifiée selon un standard européen de cybersécurité. Nous invitons à (2) interdire l’importation de panneaux issus du travail forcé, en en exigeant la traçabilité complète. Nous appelons à (3) rétablir des mesures anti-dumping pour protéger l’industrie solaire européenne face à la concurrence chinoise subventionnée. Nous recommandons de (4) suspendre tout nouvel engagement public en raison du coût déjà très élevé des subventions et des engagements. Il convient également de (5) renforcer la flexibilité de la demande via des heures creuses élargies et de (6) réformer le TURPE en supprimant les exonérations qui creusent les coûts. Nous proposons enfin (7) d’étudier la pertinence de créer des stocks stratégiques d’électricité sous forme de photovoltaïque couplé à des batteries et conçu pour fonctionner « hors réseau », et ce afin de renforcer notre résilience pour les situations de crise.

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L’auteur

Diplômée d’HEC, de la London School of Economics, de la Sorbonne et de Sciences Po Paris. Paris, Laetitia Puyfaucher rejoint The Economist à Londres après s’être vue décerner en 1999 le Prix Nico Colchester. Elle y rencontre John Smutniak, avec qui elle fonde le groupe Pelham Media Ltd en 2000, qu’elle revend en 2016 au Groupe Les EchosLe Parisien, et, qu’elle présidera jusqu’en mai 2022. Laetitia Puyfaucher est lauréate du Prix Trajectoires HEC au Féminin 2011. En 2013, elle a été nommée Young Global Leader par le World Economic Forum. Après avoir accompagné pendant 23 ans les grands énergéticiens français, elle conseille aujourd’hui un exécutif régional sur les sujets énergétiques, écologiques et agricoles