Islam · « Vu l’ampleur des polémiques actuelles, Macron doit sortir du bois »

Sophie de Peyret, chercheur associé à l’Institut Thomas More

6 novembre 2019 • Entretien •


Le Figaro présente en détails les mesures du nouveau rapport de l’Institut Thomas More. Sophie de Peyret, chercheur associé à l’Institut Thomas More, répond aux questions du quotidien.


Pourquoi ce nouveau rapport sur l’islam en France ?

Le hasard du calendrier fait que cette publication intervient au moment où la crise est particulièrement aiguë mais nous y travaillons depuis un an. Avec la volonté d’aller au-delà du constat, déjà établi depuis très longtemps, sans jamais être suivi d’effet. Au-delà de l’hystérie où chacun est sommé de prendre position. Il faut pouvoir parler de l’islam comme on parle d’un autre sujet comme les retraites ou le catholicisme. Au-delà des vraies solutions, juridiques, politiques qui existent, c’est surtout toute la dimension anthropologique et culturelle qui importe. Ce rapport avance des mesures concrètes et insiste sur la réflexion anthropologique, sur ce qu’est la France, ce qu’est une nation, ce que sont les valeurs qu’il faut défendre. Il faut sortir du commentaire permanent de l’actualité, qui ne sert à rien. On brasse de grandes idées depuis trente ans, de tous bords, mais il faut passer à l’action.

Vous évoquez un recul de la liberté d’expression et de conscience et vous appelez la France à protéger et accueillir les apostats et les convertis menacés à travers le monde et à favoriser la recherche historico-critique sur l’islam…

Dans le domaine universitaire, il n’est pas normal qu’il y ait une vraie autocensure qui ne dit pas son nom. Dès qu’il s’agit de l’islam, on marche sur des œufs. Il y a beaucoup de choses qu’on ne dit pas ou plus. Quand on fait une tribune ou un livre sur l’islam, on pèse chacun de ses mots. C’est ce traitement spécifique qui inquiète. La recherche historico-critique, qui a été faite pour toutes les religions, est en retard ou confisquée sur l’islam. La France gagnerait, avec son réseau universitaire et ses chercheurs d’exception, à promouvoir les études sur la Sunna, sur la tradition musulmane… Quant aux apostats, français ou étrangers, la France doit avoir le courage de ses convictions.

Vous critiquez le « silence du président Macron » sur ces questions. Qu’attendez-vous de la parole présidentielle ?

À sa décharge, il a probablement eu beaucoup d’idées au départ avant de se rendre compte qu’elles n’étaient pas toutes applicables. Peut-être se rend-il compte que la solution n’est pas économique ou juridique mais qu’elle est culturelle. C’est le moment des vrais choix avec la question du modèle que l’on souhaite, des valeurs que l’on veut défendre quitte à froisser certains. En somme dire en quoi croit la France. Pour le moment, la classe politique a essayé de régler la question avec des budgets, des lois, nécessaires sans être suffisants. Vu l’ampleur des polémiques actuelles, le président doit sortir du bois. Il doit d’ailleurs prochainement s’exprimer. Il faut qu’il donne une ligne claire car, entre les positions divergentes au sein du gouvernement et de la majorité parlementaire, on ne comprend plus rien. Le président doit donner le cap et se prononcer aussi de manière visible sur le CFCM ou sur d’autres organisations comme l’Association musulmane pour l’islam de France d’Hakim El Karoui.