9 juillet 2020 • Opinion •
Le gouvernement s’est appuyé sur les familles tout au long de la crise, mais risque d’affaiblir les liens familiaux faute d’une politique ambitieuse en la matière et du fait des effets probables de la loi bioéthique qui est actuellement débattue à l’Assemblée nationale.
Il n’aura pas fallu vingt-quatre heures au nouveau Premier ministre et au nouveau garde des Sceaux pour annoncer leur volonté de voir votée d’ici la fin du mois de juillet le projet de loi bioéthique, qui contient la « PMA pour toutes ». Étrange urgence que rien ne justifie, ni la crise économique et sociale qui vient, ni les attentes des Français. C’est donc que le « nouveau chemin » promis par le président de la République ressemble désespérément au précédent. C’est donc que l’exécutif, contrairement à ses proclamations, ne sait pas tirer les leçons de la crise sanitaire que nous venons de vivre.
Car qu’avons-nous vu ? Que la famille, et non l’État, est le recours et le rempart naturels en cas de coup dur. Jamais, en temps de paix en effet, un gouvernement ne s’était autant reposé sur les familles. Il l’a fait au point de leur confier la lourde tâche d’endiguer, voire de stopper, l’épidémie du Covid-19 en fermant crèches et écoles et en confinant enfants et parents dans leur foyer. Lourde tâche, en effet, pour les parents car il a fallu en quelques heures devenir un père et une mère au foyer, apprendre le partage des tâches, faire la cuisine, inventer des loisirs à la maison, suivre la scolarité des enfants, continuer à travailler en télétravail (sauf pour les métiers de santé et de première nécessité). Voici donc un gouvernement qui n’a pas trouvé mieux qu’une famille pour prendre en charge ses propres enfants…
Et cela a fonctionné ! Les premiers retours des travaux en sociologie et en anthropologie réalisés pendant le confinement montrent la solidité et la prééminence du lien familial. Le bilan de deux chercheurs de l’Université de Bourgogne-Franche Comté, Veronika Kushtanina et Virginie Vinel, publié dans les colonnes du Monde, est intéressant à plus d’un titre car il met en valeur l’importance du socle familial et des solidarités qui s’y exercent (au motif qu’il est plus sécurisant d’être plusieurs pour affronter l’inconnu de la situation).
Ce constat confirme, et valide en quelque sorte, l’article 16 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui rappelle que « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État ». Bien sûr, il y a eu des situations difficiles et même des drames. Selon une étude du secrétariat d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, le taux des violences conjugales a été multiplié par quatre pendant cette période. Mais la conduite indigne et condamnable de certains hommes, de certains pères, ne condamne pas tous les hommes.
Dans bien des cas au contraire, le père a pu retrouver une place dans la maison, voir davantage ses enfants, prendre part aux tâches familiales et scolaires, ce qui était nouveau pour un grand nombre des pères. Ceci est un acquis positif pour les hommes, pour les femmes, pour les enfants… pour la société tout entière en somme. Car la famille est bien cette entité protectrice qui joue un rôle d’amortisseur dans les tempêtes, les moments de solitude ou d’incertitude anxiogène. A cela s’ajoute la reconnaissance de fait par l’État que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants puisque c’est bien à eux qu’a été confiée la tâche de prendre le relais des enseignants.
Alors que les prévisions économiques sont extrêmement sombres pour les prochains mois (augmentation du nombre de chômeurs, faillites d’entreprises, disparition de petits commerces ou d’activités artisanales, etc.) avec des conséquences sociales inévitables, que faire ? Si une nouvelle vague épidémique submerge notre pays dans quelques semaines ou quelques mois, comment réagir ? Les familles auront-elles les ressources pour faire face de nouveau ? Il serait urgent que le gouvernement donne une réponse claire et efficace, en s’appuyant sur les résultats observés pendant le confinement.
Il faut à la France une politique familiale digne de ce nom, audacieuse et courageuse, pour aider les familles à exercer leur rôle dans la société. C’est la reconnaissance du rôle des familles, le family friendly, ce sont aussi des aides financières pour y faire face. Il lui faut aussi un cadre stable, lisible et clair de la structure familiale, dans le respect des responsabilités de chacun et mettre fin aux bricolages juridiques qui fait croire qu’un père peut être un oncle, une tante ou une grand-mère, selon les propos de l’ancien ministre de la santé. Comme si le père n’était qu’une fonction interchangeable. La confusion permanente de la filiation aura, de fait, des répercussions dans l’organisation et la stabilité des familles.
Alors que les familles viennent de montrer qu’elles étaient le lieu le mieux adapté pour stopper l’épidémie et prendre soin des enfants, les membres les plus vulnérables de la société, alors que les conséquences psychologiques, sociales et économiques risquent de les fragiliser encore davantage, il est indécent de faire voter en urgence la loi bioéthique, notamment le volet de la « PMA pour toutes ». Nous faire croire qu’il y a urgence est une faute morale contre les familles. En revanche, il y a urgence à panser les plaies de la crise que nous venons de vivre et à préparer celle qui s’annonce. C’est là-dessus que le nouveau gouvernement et ses membres seront jugés.