10 février 2022 • Opinion •
La Cour des comptes a publié un rapport sur la gestion des participations financières de l’Etat durant la crise sanitaire. L’enquête s’intéresse aux participations publiques dans les entreprises du secteur concurrentiel, gérées par trois grands actionnaires publics : l’Agence des participations de l’État (APE), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et les participations gérées par Bpifrance.
La crise sanitaire a eu un impact économique majeur sur l’économie française en 2020. Le PIB a diminué de 8,3%, reflétant un choc de grande ampleur, avec des spécificités sectorielles marquées. La crise n’a pas épargné les entreprises à participations publiques. Elle a en effet particulièrement concerné les entreprises des secteurs du transport, de l’industrie automobile et aéronautique, de l’énergie, du tourisme, qui représentent une part importante du portefeuille de l’État actionnaire.
L’enquête de la Cour a porté sur les participations publiques dans les entreprises du secteur concurrentiel gérées par trois grands actionnaires publics : l’Agence des participations de l’État (APE), la Caisse des dépôts et consignation (CDC) hors Bpifrance, et les participations gérées par Bpifrance. Ce portefeuille valait avant la crise 145 milliards d’euros. J’ai moi-même alerté, lors de l’expansion considérable du rôle de la BPI entre 2014 et 2019, des risques de redondances, de pertes de valorisations et d’inefficacité de ce portefeuille pléthorique, répondant mal aux exigences stratégiques d’un Etat souverain, sans constituer le vrai fonds souverain qui nous manque et surtout au mépris de la rationalité de gestion que l’Etat doit aux contribuables. La Cour des Comptes avait déjà alerté les pouvoirs publics sur tous ces risques en 2017, demandant à l’Etat de clarifier les rôles des trois entités et de définir une vraie doctrine de l’Etat actionnaire, en précisant les raisons et modalités des interventions possibles et en assurant une vraie gestion dynamique de ce portefeuille. Il s’y est refusé, et le Premier ministre Castex a encore récemment décliné cet effort. La Cour s’est attachée dans un rapport paru lundi à évaluer l’impact de la crise sanitaire sur ce portefeuille, mais au-delà les couts nouveaux (politique de transports, transition énergétique, recapitalisation d’entreprises en difficulté) qui pourraient exiger de nouveaux investissements de l’Etat dans ce portefeuille.
La Cour estime que du fait de la crise sanitaire, le coût budgétaire pour l’Etat actionnaire a été d’environ 20 milliards d’euros. Si on regarde la perte en valeur de patrimoine, elle serait de 11 milliards d’euros. Car si les marchés par exemple sont bien vite remontés après le premier confinement, nombre d’entreprises dans le portefeuille appartiennent à des secteurs (aéronautique, transports, énergie) encore affectés et probablement durablement touchés. Il est à craindre que certaines pertes de valeur soient latentes et se matérialisant dans les cinq prochaines années, notamment le cout de la transition énergétique.
L’impact du Covid, les changements de modèle d’affaires, la transition énergétiques, rendent obsolète la doctrine de l’Etat actionnaire public, reposant sur des cessions pour financer le désendettement de l’Etat et de nouvelles participations. Désormais, APE, BPI et CDC vont devoir autofinancer les besoins des entreprises du portefeuille, et limiter toute nouvelle intervention en fonds propres : cela demande de mieux articuler leur stratégie actionnariale, alors que la BPI est à la fois un prêteur, un investisseur en fonds propre, un investisseur dans les entreprises : un mini Blackstone à la française qui prend trop de risques avec l’argent du contribuable.
En fin de compte, ce rapport salutaire de la Cour recommande de sortir du flou de la doctrine de l’Etat actionnaire, de trancher des nœuds gordiens et de restructurer les interventions de ces trois entités afin de mieux les coordonner avec le capital privé. Un enjeu majeur pour la prochaine équipe à Bercy.