3 mai 2022 • Opinion •
Jeudi dernier, le gouvernement annonçait triomphalement que le nombre de chômeurs (catégorie A, sans activité) avait enregistré en France une nouvelle forte baisse de 5% au premier trimestre 2022 par rapport au trimestre précédent. 169 100 personnes en moins se sont inscrites à Pôle Emploi, ce qui porte le nombre de chômeurs en catégorie A (celle sur laquelle communique le ministère du Travail) en France à 3,193 millions.
Si on regarde de manière plus granulaire les chiffres, en incluant les catégories B et C, la baisse n’est plus que de 2,7% (deux fois moindre) et le nombre de chômeurs s’élève à 5,53 millions. Pôle Emploi s’attend à une baisse sans précédent en 2022 de ces chômeurs de catégorie A, ceux qui sont dits sans activité (ceux qui annoncent chercher un emploi et ne sont pas en dispositifs de formation ou ne travaillent pas quelques heures par semaine comme certains des chômeurs de catégorie B et C). Ces chiffres révèlent à nouveau la problématique bien connue du mal-emploi en France, et l’illusion – sauf à regarder dans le détail des catégories – du système statistique de Pôle Emploi.
Le mal-emploi en France
Un exemple très simple suffira pour permettre au lecteur averti de réaliser l’importance de la circulation entre les catégories : sur le premier trimestre 2022, malgré la publicité autour de la baisse du chômage (de catégorie A), la catégorie B (où se trouvent ceux qui travaillent de manière partielle seulement, pour moins de 78 heures par mois) a augmenté de 2,2% et la catégorie C n’a pas bougé.
Nous avons donc au bas mot 16 000 personnes passées de la catégorie A à la B, qui cherchent encore un emploi, mais qui font quelques heures (l’équivalent au maximum d’un mi-temps) de travail et sont donc sorties de la catégorie A.
Autre élément troublant : l’essentiel de la baisse de la catégorie A provient de la catégorie des moins de 25 ans. Le recul de 5% cache des disparités conséquentes, entre par exemple une baisse de 10% chez les moins de 25 ans et une chute de seulement 3% chez les plus de 50 ans.
La plupart de ces moins de 25 ans qui auraient dû se retrouver sur le marché du travail normal sont apprentis, en temps partiel, ou dans des situations intermédiaires qui soit les éliminent complètement des statistiques de Pole Emploi soit les retirent au moins de la catégorie A pour les répartir entre les B et les C. Ainsi, depuis début 2020, l’essentiel de la baisse du chômage en France est due à la montée en puissance des dispositifs d’apprentissage. Ces derniers s’étendent maintenant à de nombreux diplômés de l’enseignement supérieur et à des BAC+5 qui étendent leur arrivée sur le marché du travail sur deux ou trois ans, alternant entre entreprises et fin d’études.
Mystification statistique et politique
En sept ans, les gouvernements français successifs auront donc réussi à mystifier la statistique du chômage et à faire sortir ce sous-emploi ou mal-emploi français de la statistique officielle. Alors que le demandeur d’emploi moyen constate, que sauf exception sur des métiers tendus, il ne vit pas dans un pays de cocagne où les emplois existeraient en traversant la rue, les pouvoirs publics entretiennent sa frustration en niant son problème et en le noyant dans la complexité statistique.
L’entrepreneuriat et l’auto-entrepreneuriat, enfin célébrés dans notre pays, sont aussi un moyen commode d’évacuer la question du chômage. Enfin, la démographie, avec l’arrivée à la retraite des classes d’âge les plus massives en nombre (et non remplacées du fait de la baisse de la fécondité), contribuera aussi à mécaniquement réduire le chômage, sans garantir de vrais débouchés intéressants à nos jeunes… La France tente de vaincre le chômage d’une manière très simple : en refusant de créer des emplois !