Octobre 2014 • Tribune 47 •
En 2007, une étude conduite par la Banque mondiale chiffrait à 5,6% le coût pour le PIB de la pollution de l’air et de l’eau sur la santé et l’environnement. Or d’une part, ces mesures étaient plutôt optimistes, d’autre part, la pollution de l’air, de l’eau et des sols n’a cessé de croître alors que, dans le même temps, le PIB a ralenti. Il est donc probable qu’avec une augmentation du PIB de 7,5% en 2013, la croissance chinoise pourrait être considérée, en termes de « PIB vert », comme quasi-nulle. Ainsi le tournant de la Chine vers une économie de type durable est une nécessité tout à la fois politique, sociale, et environnementale.
De 1980 jusqu’à 2012, l’économie chinoise a cru à un rythme d’environ 9% par an – trois fois plus que la moyenne mondiale sur la même époque. Cette performance économique a permis de sortir un tiers de la population chinoise de la pauvreté et a permis l’entrée d’un autre tiers de la population dans la catégorie des classes moyennes (ce qui correspond en Chine à un revenu annuel minimal de 11000 euros par personne). Ce succès économique a cependant un coût social, politique et écologique. Coût social d’abord puisque le décollage économique fulgurant de la Chine est allé de pair avec une croissance importante des inégalités entre riches et pauvres et entre villes et campagnes. Coût politique ensuite puisque pour maintenir la paix sociale et le règne du Parti dans un pays en profonde mutation (où l’on répertorie entre 90 000, en 2006, à 180 000, en 2010, « incidents de masse » par an – le terme incluant aussi bien protestations pacifiques qu’émeutes réprimées), le budget de l’Etat alloué à la sécurité intérieure n’a cessé d’augmenter pour dépasser celui alloué aux dépenses militaires (qui lui-même a augmenté de 16% par an entre 1990 et 2010). Coût écologique enfin : en 2007, une étude conduite par la Banque mondiale chiffrait à 5,6% le coût pour le PIB de la pollution de l’air et de l’eau sur la santé et l’environnement. Or d’une part, ces mesures étaient plutôt optimistes, d’autre part, la pollution de l’air, de l’eau et des sols n’a cessé de croître alors que, dans le même temps, le PIB a ralenti. Il est donc probable qu’avec une augmentation du PIB de 7,5% en 2013, la croissance chinoise pourrait être considérée, en termes de « PIB vert », comme quasi-nulle. Ainsi le tournant de la Chine vers une économie de type durable est une nécessité tout à la fois politique, sociale, et environnementale.
En effet, l’objectif premier pour la Chine est de conserver son système politique (et d’affirmer ainsi sa différence irréductible avec « l’Occident »). Cependant la pérennité de ce système repose sur la possibilité de maintenir une croissance économique qui est contrainte à la fois par le coût croissant de l’énergie (tiré vers le haut par les besoins de la Chine elle-même) et par une augmentation des salaires qui renchérit les coûts de production et diminue la productivité. La Chine n’a d’autre choix que le développement durable pour assurer la paix sociale de citoyens qui, ne pouvant exprimer de façon démocratique leurs attentes et leurs frustrations, sont de plus en plus sensibles au respect et au renforcement de leur qualité de vie.
La prise de conscience par la Chine de la valeur socio-économique du développement durable offre des opportunités nouvelles pour les entreprises européennes. En effet, l’Europe, si critiquée aujourd’hui, est pionnière dans le domaine : du premier Plan d’Action Environnementale en 1973 à aujourd’hui, elle a plus de quarante ans d’expérience. Certains diront que cette expertise en matière de normes environnementales a eu pour conséquence de désindustrialiser le vieux continent et de créer un déficit commercial abyssal avec les pays émergents. Ils oublient que le rattrapage économique n’a qu’un temps. De fait, l’essor économique actuel des pays émergents ne peut être vu comme le futur rêvé d’une Europe « retrouvant » la croissance : une telle croissance acquise aux dépens de l’environnement appartient sans doute déjà au passé. C’est peut-être plutôt l’Europe des normes socio-environnementales qui trace la voie d’un futur durable pour les pays émergents. La preuve : le 12e Plan quinquennal (2011-2015) chinois prévoit pas moins de 650 milliards d’euros d’investissements dans le développement durable.