Dernière chance pour l’Union pour la Méditerranée ? Propositions pour un rebond

Jean-Baptiste Buffet, chercheur associé à l’Institut Thomas More, Claude Fischer, présidente de Confrontations Europe et Yohann Taieb, chargé d’études « élargissement et voisinage » à Confrontations Europe

25 novembre 2010 • Analyse •


Après le second ajournement du sommet de Barcelone, il est permis de s’interroger sur l’avenir de l’Union pour la Méditerranée. Après avoir organisé ensemble un séminaire de haut niveau à Bruxelles en juin 2010, l’Institut Thomas More et Confrontations Europe poursuivent leur réflexion commune en publiant cette nouvelle note de Jean-Baptiste Buffet, Claude Fischer et Yohann Taieb.


Après deux années d’existence, l’heure est au bilan pour l’UpM. Lancée avec faste par Nicolas Sarkozy en juillet 2008, l’UpM a souffert de deux années de querelles, de blocages voire de revers, essentiellement politiques, achoppant quasi systématiquement sur l’inextinguible conflit israélo-palestinien. Après une année 2009 catastrophique (huit mois d’interruption des travaux suite à la crise de Gaza), l’année 2010 n’a pas pu concrétiser les espoirs que l’on pouvait fonder dans l’institution et s’achève, avec l’annulation du sommet de Barcelone, sur cette autre déception majeure.

Le projet était courageux et partait de bonnes intentions. Il avait fait naître de vrais espoirs mais ceux-ci se sont effilochés avec le temps. Après deux ans, le bilan « politique » est lourd, alimenté par des conférences ministérielles « boycottées » par les Etats membres (cinq Etats sur les 43 que compte l’organisation étaient présents en novembre 2009 au Caire), par des échecs retentissants pour certaines d’entre elles ou des reports transformés en annulation pour d’autres (sommet des ministres des affaires étrangères à Istanbul initialement prévu pour novembre 2009, n’a jamais eu lieu depuis).

En avril 2010, l’échec de la conférence ministérielle sur l’eau à Barcelone est venu confirmer les incertitudes politiques du départ. Devant déboucher sur l’adoption d’une stratégie pour l’eau en Méditerranée afin de garantir un accès équitable à cette denrée rare et ainsi éviter qu’elle n’amène de nouveaux conflits, elle n’a finalement mené à aucun accord politique, le sommet aboutissant à un blocage sur le terme de « territoires palestiniens occupés » ou « territoires palestiniens sous occupation ». Des revers qui se concrétisent par l’impossibilité persistante d’organiser un sommet, témoignant bien, quoi qu’en disent les responsables politiques, des maux profonds de ce partenariat.

Mais on aurait tort de voir dans le conflit israélo-palestinien l’explication unique des déboires de l’UpM. Si le sommet de novembre 2010 a effectivement été boycotté par les pays arabes en raison du refus israélien de s’engager à cesser durablement de construire en Cisjordanie, l’absence de confiance réciproque, les compétitions stériles entre pays européens, le leadership mal partagé par la France, la conception même de l’organisation globale, sont autant de questions qui divisent les partenaires. S’il faut saluer la mise en place, laborieuse, d’un secrétariat général (SG) à Barcelone, dirigé par le Jordanien Ahmad Masa’deh et composé de six secrétaires adjoints équitablement issus du Nord comme du Sud, on peut en revanche être déçu par la confusion qui entoure toujours les missions du SG, son budget et son mode de gouvernance. En outre, la portée symbolique forte de la présence conjointe d’un Israélien et d’un Palestinien est quelque peu entachée par le choix maladroit de Rafiq Husseini comme secrétaire adjoint chargé de l’eau. Ancien chef de cabinet de la présidence palestinienne, récemment évincé par Mahmoud Abbas, sa légitimité politique est fortement remise en cause à Ramallah suite à des scandales personnels.

Face à ces balbutiements institutionnels, « les projets continuent d’avancer », nous dit-on de source officielle, « mais il faut leur donner du temps ». Ainsi, sur les six axes de coopération prioritaires fixés à Paris et à Marseille en 2008, peu peuvent prétendre à une entrée dans leur phase « active ». Partant de ce constat, et sur la lancée des enseignements qui ont pu être tirés lors du séminaire européen du 12 mai et de la réunion de travail de Confrontations Europe du 3 novembre 2010, l’Institut Thomas More et Confrontations Europe formulent quelques propositions à l’attention des chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi qu’à l’ensemble des citoyens et des acteurs, sans lesquels les coopérations et les projets ne pourront se développer.