L’Union pour la Méditerranée est-elle condamnée ?

Jean-Baptiste Buffet, chercheur associé à l’Institut Thomas More

3 février 2011 • Analyse •


Pour Jean-Baptiste Buffet, la récente démission du secrétaire général de l’UpM souligne la quasi-paralysie de cette organisation destinée à relancer le partenariat entre les pays riverains de la Méditerranée et l’Europe.


A l’heure où la rive sud de la Méditerranée connaît un tremblement de terre politique et social sans précédent, l’attitude et la réponse des pays européens, et en particulier celle de la France, sont sous le feu de toutes les critiques. L’Union pour la Méditerranée (UpM), lancée avec faste par Nicolas Sarkozy en juillet 2008 afin de construire une dynamique de paix dans la région, devait composer un élément de cette réponse.

Elle vient à son tour, sans qu’on y prête beaucoup d’attention, de plonger dans une situation de paralysie quasi-totale, avec la démission de son Secrétaire général, le Jordanien Ahmad Massa’deh. Ne cessant de connaître blocages, crises et revers depuis sa création, cette Union est aujourd’hui en pleine désunion. Le projet avait fait naître de vrais espoirs mais ceux-ci se sont effilochés avec le temps. Les raisons de cet enlisement ne sont pas celles que l’on évoque habituellement.

Certes, le conflit israélo-palestinien et, indirectement, la reprise de la colonisation israélienne en Cisjordanie ainsi que l’arrêt des négociations au Proche-Orient, n’ont pas aidé à installer un climat de confiance dans la région. Mais avant d’être méditerranéens, les blocages sont européens. L’équipe de Massa’deh en convenait tout à fait lors de son départ, évoquant précisément « des obstacles au sein de l’UE et avec certains pays d’Europe du Nord, bloquant le travail du Secrétariat et la mise à disposition de ressources financières ». Une fracture aujourd’hui criante entre une Europe du Nord et de l’Est qui se tournent vers l’Est du continent, et des pays latins qui souhaiteraient un investissement bien plus conséquent au Sud.

L’échec est double. Pour la diplomatie française, en premier lieu, car après avoir érigé en 2007 l’UpM en « élément majeur de la politique étrangère française », la déception est immense. Il est stratégique ensuite, pour ceux qui voyaient dans « l’institutionnalisation » de la Méditerranée la panacée de ses maux.

L’UpM n’est cependant pas morte. Il ne faut pas condamner l’institution – dont l’idée reste bien intentionnée – mais la repenser et la réorienter d’urgence. D’abord en relevant les principaux défis des pays méditerranéens qui sont bien entendu la formation professionnelle, la recherche et l’énergie solaire. Mais concentrons également nos efforts sur l’agriculture, la sécurité alimentaire, la gestion locale de l’eau. Et impliquons davantage les entrepreneurs locaux, les élus et la société civile. Travaillons ensuite à des échelles plus réduites et à des niveaux « sous-régionaux ». Tant d’obstacles restent à surmonter, au Moyen-Orient, entre partenaires européens, entre voisins maghrébins.

Ne décevons pas nos voisins méditerranéens, dont on mesure aujourd’hui les attentes. Réinventons une méthode européenne et tâchons, s’il est encore temps, de trouver un équilibre, une synthèse européenne qui redonnerait de la force au projet. Car la période qui s’ouvre s’annonce décisive, et délicate. Trois présidences successives de l’UE seront menées par des États du Nord et de l’Est de l’Europe, alors que s’ouvriront les discussions sur les perspectives financières 2014-2020. L’engagement européen est menacé, et d’autres puissances mondiales n’attendent pas pour se positionner sur le terrain.