5 mai 2011 • Analyse •
Nicolas Sarkozy est à l’Élysée depuis quatre ans et l’on ignore s’il y sera encore dans un an. Bien des commentateurs s’accordent pour affirmer que la partie paraît mal engagée. Lui fait savoir, au contraire, qu’il « sent bien » la campagne qui s’annonce. Bien malin qui peut dire qui aura raison au final et ce n’est sans doute pas, à ce stade, le plus intéressant…
Malgré son goût manifeste pour la surprise et pour la nouveauté, pour le « regardons devant nous » et pour le contre-pied, perpétuel candidat en campagne, Nicolas Sarkozy a un bilan. Ça pèse, un bilan. Les gens se souviennent. Une élection présidentielle ne se fait pas sur un bilan, mais elle ne l’escamote pas non plus. Or aujourd’hui, les sondages le disent, les Français n’est sont pas satisfaits, pas du tout. Il est tout juste passable, incontestablement.
La crise y a sa part bien sûr mais la méthode employée pendant quatre ans l’explique tout autant : un rythme effréné et finalement vécu comme anxiogène, pas de cap clair ni de hiérarchie dans les axes d’action (au nom de la stratégie dite du « bloc des réformes », qui postulait qu’il fallait « tout réformer en même temps parce que tout se tient »), des réformes souvent inabouties et un corps social qui, après avoir majoritairement vibré aux accents de la campagne de 2007, s’est plus souvent senti bousculé, voire molesté, que considéré et associé aux réalisations du contrat qu’il avait passé. Au bout de quatre ans, et après avoir affronté une crise majeure et ses sévères conséquences économiques et sociales, le pays crispe la mâchoire et sert les poings. La défiance est grande.
2012 ne ressemblera pas à 2007. La distribution des forces politiques en présence a radicalement changé et Nicolas Sarkozy sera le candidat sortant. S’il veut l’emporter, il n’aura pas à demander aux Français de lui faire confiance, il devra les convaincre de baisser la garde. La campagne sera sans lyrisme et, sans doute, pleine de gravité. Car la situation l’exige. Chacun peut mesurer à quel point la France est arrivée à la fin d’un cycle. Fin d’un cycle économique après des décennies de croissance molle, de chômage endémique et de dépenses publiques en constante augmentation. Le modèle redistributeur français paraît à bout de souffle et la politique de rustines, qu’on voit appliquer gouvernement après gouvernement (celui-ci compris), n’y suffit plus. Fin d’un cycle politique également, avec l’invocation presque pavlovienne d’un « modèle républicain » et de « valeurs républicaines » qui finissent par faire moins figures de totems rassembleurs que de cache-misère. Les débats répétés, mais sans jamais de perspectives, sur l’identité, la laïcité ou l’égalité des droits créent plus d’amertume que d’espoir.
Modèle social, modèle de croissance, modèle républicain : la bataille des « modèles » sera au cœur de la campagne. Le Parti socialiste, plus conservateur que jamais, propose un spectaculaire sur-place en promettant qu’en changeant tout, rien ne changera. Marine Le Pen veut mettre la France sous cloche. Même Nicolas Hulot y va de sa « transformation écologique et sociale »…
Emploi, système social, pouvoir d’achat, éducation, inégalités, croissance : tous les problèmes qui préoccupent les Français ont en commun de ne pas appeler de réponses techniques ou ponctuelles. Les réponses toutes faites et les catalogues de mesures ne sont plus de saison. C’est la matrice qui est en cause – et elle est à bout de souffle. C’est bien sur sa capacité à proposer la rénovation profonde du « modèle français » que Nicolas Sarkozy, pour y revenir, sera juger. Or le président de 2011 reste, traits pour traits, le candidat de 2007. Il n’a pas (encore) fait sa mue présidentielle. Sera-t-il prêt dans un an ?