Janvier 2025 • Note d’actualité 94 •
Le 20 janvier prochain, Donald Trump entrera officiellement en fonction et entamera son second mandat. Il s’annonce déjà comme le président des États-Unis le plus anti-européen de l’histoire. Par-delà ses rodomontades et ses excès, dans la netteté et la détermination de ses ambitions affichées, il bouscule et inquiète une Union européenne dont les faiblesses et les impasses n’ont jamais été aussi évidentes. déclin économique, dépendance énergétique, effacement géopolitique, incurie diplomatique, déclassement militaire, décrochage technologique, impuissance financière : l’idée européenne est en échec sur tous les fronts à l’heure où les désordres du monde appellent force et vision. Partout en Europe, les partis eurosceptiques ont le vent en poupe. Et si le Game changer Donald Trump nous aidait à nous réveiller et à sortir de notre torpeur ?
Plus que celle d’aucun autre président américain avant lui, l’entrée en fonction officielle de Donald Trump, prévue le 20 janvier prochain, agit comme un impitoyable révélateur des faiblesses de l’Union européenne, de ses maux endémiques qui minent son autonomie, sa stabilité, voire sa viabilité. Comme une puissante métaphore du nouveau déséquilibre transatlantique, son retour à la Maison blanche survient à un moment où l’Union traverse une forte zone de turbulences, notamment avec des crises politiques en Allemagne et en France, doublée d’une crise institutionnelle pour Paris. Des blocages qui menacent sa cohésion et provoquent une cruelle absence de leadership à un moment décisif.
La réélection de Donald Trump, contestable en droit (le candidat était toujours inculpé de « complot à l’encontre de l’État américain » le jour du scrutin), impeccable en suffrages, nous tend ainsi un miroir sans concession. L’assurance, l’outrecuidance, l’ambition et la détermination du président américain offrent un contraste criant avec les doutes, les tergiversations, les renoncements et les incapacités de l’Union. A ce moment précis de notre histoire commune, l’insolent dynamisme américain lève le voile sur le visage usé de l’Europe : impasse économique, dépendance énergétique, incurie diplomatique, insuffisance militaire, retard technologique, impuissance financière et pesanteur administrative.
Au cours de l’année écoulée deux rapports commandés par la Commission européenne et rédigés par deux anciens présidents du Conseil italien, respectivement Enrico Letta puis Mario Draghi, mettaient en garde contre la « lente agonie » de l’Union. Si leurs recommandations sont discutables, l’état des lieux qu’ils font constitue un télescopage évident avec le triomphant « Make America Great Again ». C’est un continent au bord du « déclassement » qui va se retrouver face à la volonté affirmée de l’homme d’affaires new-yorkais de rééquilibrer une relation commerciale trop largement favorable à l’Europe, en lui imposant des barrières douanières. C’est aussi un continent à cours de liquidités qui devra affronter le souhait des États-Unis d’arrêter de payer pour la sécurité militaire des vingt-sept, notamment en Ukraine.
Les Européens ont néanmoins des atouts et l’Union ne se réforme que dans les crises. Celle bancaire de 2008 et celle du Covid en 2020 ont montré qu’ils savaient parfois s’unir pour réagir. Qu’en sera-t-il cette fois ? Convaincus de l’évidente nécessité de s’adapter, les plus europhiles y voient une opportunité et estiment, comme Enrico Letta, que « Trump aidera l’Europe à passer à l’âge adulte ». Le profond déficit démocratique de l’Union européenne et la défiance des peuples à l’égard de ses institutions interrogent néanmoins la réalité d’un jugement qui relève surtout pour l’heure du vœux pieux.
Seule certitude à l’heure de sa prise de pouvoir : le nouveau président américain ne bluffe pas. « Trump, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre, mais il faut le prendre très au sérieux ! », a récemment confié un haut responsable du Congrès à un PDG européen venu s’enquérir à Washington des projets de la nouvelle administration. Une façon de lui signaler que les difficultés ne faisaient que commencer.
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L’auteur
Gilles Delafon est un ancien journaliste, spécialiste des affaires internationales, aujourd’hui consultant en communication stratégique. Correspondant à Beyrouth pendant la guerre du Liban de 1984 à 1988, il est l’auteur de Beyrouth, les soldats de l’islam (1989), l’un des premiers livres à alerter sur le danger islamiste. Grand reporter et éditorialiste au Journal du Dimanche de 1989 à 2008, il couvre les crises du Moyen-Orient, dont les deux guerres d’Irak et le processus de paix israélo-palestinien. Responsable de l’information de Canal + de 2008 à 2016, il est également l’auteur de Le règne du mépris. Nicolas Sarkozy et les diplomates, 2007-2011 (2012). Diplômé de l’université de Columbia (New York), il a rejoint l’équipe de recherche de l’Institut Thomas More en septembre 2023, où il suit le Moyen Orient (Israël, Liban, États du Golfe) et la politique étrangère américaine. En octobre dernier, il a publié la note Trump 2024, la revanche d’une Amérique en colère (disponible ici) • |