
Avril 2025 • Note d’actualité 97 •
Les vents mauvais invitent à reconsidérer la précarité des formes politiques, en raison de la dégénérescence de leur principe. Pensée et théorisée dans l’Antiquité gréco-romaine, l’« anacyclosis » (ou « anacyclose ») désigne la succession des régimes politiques, intégrée dans une philosophie de l’histoire. A l’évidence, la démocratie libérale, régime caractéristique de l’Occident, n’est pas épargné. Pourtant, les guerres et les conflits du siècle passé ont montré que ce régime était capable de faire face aux situations de détresse et de poser des actes souverains. En vérité, les défis sont principalement d’ordre intellectuel, moral et spirituel.
La philosophie politique occidentale moderne s’est élaborée en rupture avec la pensée antique et médiévale, à partir de ce que philosophe Leo Strauss nomme la « révolution morale de la modernité » (de Machiavel à Hobbes), une première « vague » suivie d’une seconde (la philosophie de l’histoire du dix-huitième siècle). Progressivement, une conception linéaire du temps historique s’est-elle imposée aux esprits : la « Whig history » des libéraux anglais, c’est-à-dire l’Histoire comme Progrès. Lui succède au dix-neuvième siècle un « historicisme », prétendument basé sur des lois, comme en physique. Du moins la formation classique des élites occidentales – à travers l’apprentissage du grec et du latin, et lecture des Anciens –, initiait-elle aux cours et recours de l’histoire des nations, des civilisations et des formes politiques. Las ! L’effondrement des humanités et la post-modernité ont depuis provoqué une rupture plus profonde encore.
Pourtant, la crise multiforme des régimes politiques occidentaux (les démocraties libérales), définis par Raymond Aron comme des régimes constitutionnels-pluralistes, a fortiori la « révolution » qui caractérise le deuxième mandat de Donald Trump, commencé le 20 janvier 2025, invitent à reconsidérer la précarité des formes politiques, en raison de la dégénérescence de leur principe.
Pensée et théorisée dans l’Antiquité gréco-romaine, l’« anacyclosis » (ou « anacyclose ») désigne la succession des régimes politiques, intégrée dans une philosophie de l’histoire. Cette théorie, fondée sur la loi du cycle et du retour inévitable, est d’abord exposée par Platon (vers 428-347 av. J.-C.) dans sa République (Livres II, VIII et IX). Elle est reprise dans la Politique d’Aristote (384-322 av. J.-C.) et, ultérieurement, par Polybe (205-125 av. J.-C.) qui la porte à une plus grande perfection dans ses Histoires. Y revenir peut nous aider à penser ce qui advient.
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L’auteur
![]() Jean-Sylvestre Mongrenier est directeur de recherche à l’Institut Thomas More. Titulaire d’une licence d’histoire-géographie, d’une maîtrise de sciences politiques, d’un DEA en géographie-géopolitique et docteur en géopolitique, il est professeur agrégé d’Histoire-Géographie et chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis). Il est ancien auditeur de l’IHEDN où il a reçu le Prix Scientifique 2007 pour sa thèse sur Les enjeux géopolitiques du projet français de défense européenne. Officier de réserve de la Marine nationale, il est rattaché au Centre d’Enseignement Supérieur de la Marine (CESM), à l’École Militaire. Il est notamment l’auteur de Le Monde vu de Moscou. Géopolitique de la Russie et de l’Eurasie postsoviétique (PUF, 2020), Géopolitique de la Russie (avec Françoise Thom, PUF, 4e édition, 2024), Géopolitique de l’Europe (PUF, 2e édition, 2023), et de Le Monde vu d’Istanbul. Géopolitique de la Turquie et du monde altaïque (PUF, 2023) • |
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