Donald Trump et le nucléaire iranien · Mission accomplie, vraiment ?

Gilles Delafon, chercheur associé à l’Institut Thomas More

1er juillet 2025 • Opinion •


Le président américain a amplement célébré les frappes qu’il a ordonnées sur les installations nucléaires iraniennes, prétendant avoir éradiqué la menace. Mais le scepticisme des experts devrait l’inciter à la prudence. A l’évidence, le doute subsiste et subsistera longtemps. Et il est à l’avantage de la république islamique d’Iran qui, depuis quarante ans, a fait de la menace nucléaire sa plus sérieuse assurance-vie.


Le lâcher de 200 tonnes de bombes GBU-57 a-t-il suffit à réduire à néant le potentiel meurtrier de 400 kilos d’uranium enrichi ? Plus précisément, le bombardement américain des sites iraniens de Fordo, Natanz et Ispahan a-t-il vraiment mis fin à la menace que constituait le programme nucléaire du régime des mollahs, comme l’affirme Donald Trump ?

Depuis dimanche, le doute s’insinue et le président américain a tenté à plusieurs reprises de lui tordre le cou. Dernièrement, il réaffirmait au sommet de l’OTAN : « le programme nucléaire iranien est mort ». Précédemment, il avait estimé – sans ciller – que l’impact de ce bombardement était aussi décisif que ceux d’Hiroshima ou Nagasaki… Opération réussie donc pour le leader de la première puissance mondiale. Donald Trump peut en effet se féliciter d’avoir mis fin à un conflit meurtrier de douze jours et offert au monde une démonstration de la toute-puissance militaire des États-Unis qui en fera réfléchir plus d’un.

Toutefois, alors que ses propres services de renseignements s’interrogent sur la destination finale des 400 kilos d’uranium enrichi – propres à confectionner une dizaine de bombes– et que l’évaluation des frappes par les militaires israéliens est encore en cours, cet autosatisfecit n’est pas sans en rappeler un autre, guère rassurant.

Le 1er mai 2003, six mois après avoir lancé la guerre contre l’Irak, le président américain George W. Bush apparaissait triomphant sur le pont du porte-avions USS Abraham Lincoln vêtu d’une combinaison d’aviateur, devant une bannière tricolore proclamant au monde « Mission Accomplie ». Un constat pour le moins hâtif puisque la cinquième guerre la plus longue de l’histoire des États-Unis allait durer huit années de plus et coûter la vie à 3 424 soldats américains. George W. Bush, dont la science géopolitique se situait au même niveau que celle de son actuel successeur, regretta par la suite cette prétentieuse mise en scène.

Donald Trump avait bien évidemment en tête le précédent irakien puisqu’il s’est fait élire sur la promesse de cesser d’engager l’Amérique dans des conflits coûteux et meurtriers au-delà des mers. Mais, fort de la puissance inégalée des bombardiers B2 et de la fenêtre de tir ouverte par les Israéliens, il a cédé à la tentation d’en finir avec la menace nucléaire iranienne. Puis, pour ne pas se dédire et ne pas trahir sa base MAGA inquiétée par cette séquence guerrière, il a rapidement rétropédalé. Après une brève hésitation, il a ainsi écarté l’idée d’un changement de régime à Téhéran, préférant capitaliser sur l’idée de la « mission accomplie ».

Mieux, il en appelle désormais à la reprise des discussions avec la République des mollahs, en vue d’un « accord » sur le nucléaire. Une position d’autant plus surprenante que, quelques heures à peine avant qu’il décide de l’attaque, son émissaire diplomatique Steve Witkoff négociait encore à Oman avec des délégués du régime de Téhéran.

Le paradoxe est complet quand on se souvient que c’est lui Donald Trump qui, au cours de son premier mandat en 2018, avait jeté aux orties l’accord international sur le nucléaire iranien signé en 2015. Les observateurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), déployés sur place pour surveiller le programme iranien d’enrichissement d’uranium, durent faire leurs valises. Cet accord avait pour lui deux défauts : il avait été signé par Barak Obama et il déplaisait fortement – déjà – à Benjamin Netanyahou. Dix ans après, reste alors la principale question : le programme nucléaire iranien a-t-il été « complétement détruit » ou « retardé seulement de quelques mois ou quelques années » ?

La bataille fait rage qui oppose les certitudes de la Maison blanche au scepticisme des experts. A l’évidence, le doute subsiste et subsistera longtemps. Un atout majeur pour la république islamique d’Iran qui, depuis quarante ans, a fait de la menace nucléaire sa plus sérieuse assurance-vie. Le potentiel destructeur de ces 400 kilos d’uranium enrichi – que Téhéran assure avoir mis à l’abri et que Washington jure avoir enfoui dans les entrailles de la terre– va permettre aux Iraniens de continuer à négocier. De demeurer un interlocuteur des États-Unis et donc, sans doute, de survivre politiquement.

Alors, mission accomplie ? Pour la stature d’un Trump qui se voit en nouveau César, oui. Pour la destruction définitive du programme nucléaire iranien, non. La séquence actuelle a davantage des airs de dernier épisode, avant le début d’une nouvelle saison.