8 décembre 2025 • Le Figaro • Opinion •
La multiplication des violences et meurtres commis par des mineurs vient nous rappeler l’importance d’éduquer les enfants à la liberté, et la part cruciale que doivent y prendre les familles.
Chaque jour ! Chaque jour en France, tantôt dans une région et tantôt dans une autre, un délinquant souvent mineur agresse et tue un camarade, un voisin ou un simple passant. Il peut tuer à coups de poing, sortir une machette et tuer pour un téléphone. Actualité angoissante. On sait depuis longtemps que les prisons sont pleines, dans des proportions anormales par rapport à la population, de jeunes délinquants issus de l’immigration musulmane. Il n’y a pas de gènes de la délinquance ! Nous ne sommes plus à l’époque de Lombroso. L’explication de ce chiffre troublant, se trouve dans un décalage mortel entre un régime politique et un mode éducatif.
Les types de famille et d’éducation sont bien différents selon les cultures. Dans nombre d’entre elles, la mère suffit à tout et le père est lointain, voire inexistant. C’est le cas lorsque le père est inconnu par principe (sociétés « sans père, ni mari ») ou dans les sociétés polygames. L’enfant dans tous les temps et tous les lieux a besoin essentiellement d’une chose : l’amour. S’il manque d’amour, à coup sûr il devient fou (comme les enfants sortis en 1990 des « camin spital » de Roumanie). Il peut se passer de tout le reste.
Depuis nos origines antiques, l’Occident est monogame, et la famille dotée d’un père et d’une mère. C’est là une pièce maîtresse des régimes de liberté qui fleurissent ici, bien avant la démocratie (instruction précoce des garçons et des filles, âge tardif des mariages par rapport aux autres cultures). Ici, autre chose est ajouté à l’amour : l’apprentissage de la liberté. C’est la condition nécessaire (quoique non suffisante) de l’apparition tardive et de la survie des démocraties.
Le sujet autonome des régimes libres n’est pas une donnée de nature. Il doit être éduqué à la liberté et donc à la responsabilité personnelle, être éduqué à reconnaître lui-même les limites, à « s’empêcher », comme disait Camus. Il doit intégrer la loi avant qu’elle ne s’impose à lui, faute de quoi le régime politique ne peut être libre. L’autonomie personnelle, clé des régimes libres, ne s’établit que sur la conscience et la responsabilité des limites. Si le sujet n’accomplit pas ce mouvement de reconnaissance des limites à travers l’éducation, il lui faudra alors subir la loi de la réalité qui lui viendra de l’extérieur : il lui faudra un régime autocratique.
Pour assumer une éducation à la liberté, il faut un couple de parents. Allier, dans un mélange paradoxal et souvent détonnant, la tendresse et le risque de l’exigence, c’est un travail pour deux personnes, et c’est pourquoi compte la présence du père.
L’islam ne requiert pas les mêmes exigences éducatives que les nôtres, en fonction des fondements religieux, traditionnels, culturels qui sont les siens. Une famille musulmane issue de l’immigration, éduque tout normalement comme elle l’a toujours fait dans le pays d’origine, c’est-à-dire dans un pays à régime autocratique. Alors qu’elle impose aux filles toutes sortes d’interdictions et d’obligations, elle considère les garçons comme des rois et leur apprend à dominer plus qu’à se dominer. Ce qui explique que bien souvent, les filles dans ces familles, dopées à l’exigence, font des études pour s’élever, pendant que les garçons laissés à leur gloire virile tombent dans la délinquance. Ces familles, pourtant dotées d’un père et d’une mère aimants et de bonne volonté, n’ont pas appris séculairement à éduquer les enfants à la liberté. Paul Gasnier, qui dans son récit raconte l’histoire du meurtrier involontaire de sa mère, un jeune garçon issu de l’immigration adepte du rodéo urbain, le décrit ainsi : « Il ne s’empêche jamais. »
Les violences sociales d’aujourd’hui proviennent, principalement, de cette situation : le jeune délinquant meurtrier n’est ni éduqué à la liberté, ni soumis à un État autocratique. Dans ce vide sidéral, s’introduisent toutes les violences. Si la famille ne peut apprendre au jeune garçon à « s’empêcher », il faudra installer la police dans les lycées. Si l’être humain est irresponsable, il faut qu’il soit soumis ; s’il veut être libre, il doit assumer la trace de ses actes.
Je sais ce que mes propos peuvent avoir de troublant et peut-être de scandaleux, à une époque où tout énoncé d’une différence apparaît comme une « stigmatisation » condamnable. Précisons pour finir : le plus élémentaire des devoirs moraux consiste à respecter non seulement les individus différents, mais les cultures différentes. La question qui se pose à nous ne réside pas dans la spécificité d’une éducation très étrangère à la nôtre, mais dans l’incompatibilité de cette éducation avec notre modèle démocratique, qu’elle pourrait bien subvertir. Car lorsqu’il y aura vraiment trop de délinquance, nous aurons tendance, faute d’autre solution, à transformer notre démocratie en régime autoritaire, le seul capable d’empêcher les meurtres quotidiens.