9 juin 2016 • Opinion •
Najat Vallaud-Belkacem a confirmé, le 5 juin, son intention de modifier le régime d’ouverture des établissements hors contrat, passant d’un régime de déclaration d’intention à un régime d’autorisation préalable, au motif de la lutte contre la radicalisation. Outre qu’aucun établissement « à risque » n’a encore été identifié, il s’agit là d’une nouvelle atteinte à la liberté éducative : liberté des enseignants, liberté des parents et liberté des enfants. Si l’école hors contrat ne pèse pas lourd dans le système français, il n’en est pas moins un caillou dans la chaussure du ministre : car il réussit et il attire…
En confirmant le 5 juin sa déclaration d’avril dernier sur le plateau de France 2, dans laquelle elle se demandait si le temps « n’est pas venu, compte tenu des risques de radicalisation auxquels nous sommes confrontés, de passer peut-être d’un système de simple déclaration […] à un système de contrôle a priori, c’est-à-dire d’autorisation », Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, ouvre un nouveau front contre la liberté : celle des établissements comme celle des parents de choisir l’éducation de leurs enfants.
Bien sûr l’école hors contrat ne pèse pas lourd dans le paysage éducatif : 1 300 établissements et environ 56 000 élèves, soit 0,5% des effectifs totaux, selon les chiffres du ministère (Direction de l’évaluation, la prospective et la performance). Pour autant, elle n’en reste pas moins le lieu de la liberté d’enseignement et de l’expérimentation. Elle affiche d’ailleurs une réelle dynamique, preuve de son succès grandissant. En témoigne le développement des écoles soutenues par la Fondation pour l’École : 67 nouvelles écoles libres ont ouvert en 2015, contre 51 en 2014…
Face à un système éducatif public en perdition – du classement PISA aux rapports de la Cour des comptes, la démonstration n’est plus à faire – les écoles hors contrat enrichissent l’offre scolaire et accroissent les chances de répondre aux attentes des parents pour leurs enfants. La réforme envisagée, en plus d’allonger considérablement les procédures de création d’écoles, briderait la diversité des enseignements offerts au bénéfice d’une uniformisation toujours plus grande, au détriment des élèves. Ces établissements reposent en effet sur une relation toute particulière de confiance et d’écoute mutuelle entre l’équipe enseignante, les élèves et leurs parents. Mais ils échappent à la logique jacobine, étatiste et républicaine et ils sont devenus attrayants : voilà un double crime de lèse-majesté que le ministère ne saurait accepter.
Il ne saurait l’accepter car il ne comprend pas ce qui s’y joue. Il ne comprend pas que laisser une liberté d’action à des acteurs autres que l’État, c’est accepter de déléguer les compétences éducatives dans le but, partagé par tous, de maximiser les chances de réussite de chaque enfant. C’est également renoncer à l’illusion qu’est l’uniformité et reconnaître à chaque élève le droit d’avoir un enseignement adapté à ses besoins. Pour cela, il faut croire en la liberté des personnes. Il faut faire confiance à ceux qui prennent quotidiennement le pouls de la société et sont en mesure d’apporter, au niveau local, des réponses rapides et concrètes là même où l’Éducation nationale piétine depuis bien trop longtemps : rappelons qu’un élève sur cinq ne maîtrise pas la lecture à l’entrée au collège, et que près d’un tiers des enfants en fin de primaire ne justifie pas de connaissances suffisantes en calcul…
Plutôt donc que chercher à casser leur dynamique, il conviendrait de saluer et de soutenir les initiatives qui se développent en France depuis quelques années. La Fondation Espérance banlieues représente un exemple formidable de réussite de création d’écoles hors contrat. Créée en 2012, la Fondation a pour objectif de « favoriser le développement d’écoles indépendantes (hors contrat) de qualité, en plein cœur des banlieues françaises, qui soient adaptées à la spécificité des défis éducatifs posés par ces territoires. ». Quatre écoles ont été mises en place et plus d’une quinzaine de projets équivalents sont en préparation pour la prochaine rentrée.
Ces nouveaux modèles qui sont en train d’éclore sont la preuve du dynamisme existant en France et de la volonté qu’ont les acteurs de la société civile de jouer un rôle actif dans la gestion des crises que rencontre leur pays. Ces initiatives proposent une alternative cohérente et réfléchie, apportant des réponses aux questions que le système éducatif public continue d’ignorer. À ce titre, elles méritent la reconnaissance et l’appui du pays qui devrait les considérer non comme des adversaires mais comme des alliés, associés à une même cause.
L’annonce de Najat Vallaud-Belkacem prouve qu’elle a choisi la voie inverse. L’argument de la « radicalisation » est particulièrement de mauvaise foi quand on sait que pas un seul établissement « radical » n’a été identifié. C’est bien à la liberté que le projet s’en prend : liberté pour les enseignants d’enseigner selon les besoins qu’ils constatent au quotidien et d’adapter leurs programmes à la progression individuelle de chaque élève ; liberté pour les parents de choisir le type d’éducation que va recevoir leur enfant ; liberté pour les élèves de bénéficier des meilleures chances de réussite et de ne pas se sentir exclus d’un système qui accepte décidément de plus en plus mal qu’on lui échappe…