28 août 2014 • Opinion •
Alors que la rentrée s’annonçait déjà suffisamment compliquée avec une situation géopolitique à très hauts risques, une conjoncture économique anémique et une situation budgétaire problématique, les acteurs de la crise politique française pointent du doigt, une fois de plus, l’« Europe » comme responsable de l’incapacité de la France à se réformer. Une rengaine qui cache mal un refus persistant de poser les bonnes questions…
Que ce soient les propos du Président Hollande devant les Ambassadeurs, ceux des responsables de la majorité, y compris les bouffonneries d’Arnaud Montebourg, ou encore le discours de rentrée de François Fillon, tous épinglent la nécessité absolue d’une réforme de l’Europe, appelant de leurs vœux un renforcement de la « solidarité » des 28 pays membres de l’Union et proclamant leur attachement indéfectible à sa construction. Tous considèrent, en parallèle aux efforts à consentir par les français, la réforme de l’Europe comme condition sine qua non du redressement de la France. Là s’arrête le consensus apparent !
En effet, Hollande et Fillon insistent sur un partage plus équitable du fardeau « disproportionné » supporté par la France en matière de défense, notamment le coût des interventions militaires et de la nécessité d’y associer l’ensemble des Pays membres. Ce dossier, étroitement lié à celui d’une politique étrangère commune implique, par construction, des transferts de souveraineté considérables dans ces domaines « régaliens » par excellence. Tant que ces « exigences » de réforme ne s’accompagnent pas de propositions concrètes – par exemple l’abandon du siège français au Conseil de Sécurité de l’ONU au profit de l’Union et l’existence d’une architecture qui soumette l’ensemble des Membres participants aux décisions – ces appels, aussi cohérents soient-ils, resteront lettre morte et ne serviront que d’excuses pour camoufler le manque de réformes structurelles internes dont le pays a besoin.
Il en va de même dans le domaine économique : réorienter les politiques de l’Union en matière d’investissements, de recherche, d’innovation, ou appeler à œuvrer à la croissance et à la lutte pour l’emploi n’a de sens – que ce soit au niveau des 28 ou seulement de l’UEM – que si les moyens financiers nécessaires sont dégagés. Ceci implique, de nouveau par construction, une mutualisation du financement de ressources communes (budget) – préalable à celle d’un endettement commun (eurobonds) – et donc le parachèvement de l’UEM avec son lot de transferts supplémentaires de souveraineté. Comme en matière de défense et de politique étrangère, cela requiert que les participants se soumettent aux décisions prises par les organes chargés d’exécuter les programmes décidés en commun. Faute de reconnaître le caractère « fédéraliste » de la solidarité demandée, ces « exigences », dont le Président Hollande se fait le champion, demeureront au niveau de l’incantation sans la moindre chance de déboucher sur des résultats concrets.
Il faut se réjouir de ce que l’ensemble de ces appels à réformer, qu’ils viennent de la majorité ou de l’opposition, vont tous dans la direction de « plus d’Europe ». Malheureusement, face à cette évidence, l’opinion publique est devenue de plus en plus méfiante vis-à-vis d’une Europe taxée trop souvent par ses propres décideurs d’être la cause principale des difficultés rencontrées. Il est loin d’être certain que la classe politique conserve la crédibilité nécessaire pour faire accepter son nouveau « credo » par les citoyens de plus en plus séduits par les appels mortifères des sirènes nationales-populistes.
Une condition nécessaire à la réussite de la réforme est d’arriver à un consensus préalable au niveau français sur les objectifs à atteindre, créant un clivage irréversible entre ceux qui défendent l’avenir de la France au sein de l’Union et ceux qui prônent le retour à une souveraineté nationale sans partage. Si à l’occasion de la récente crise politique, le gouvernement à clarifié son cap économique, la controverse continue à faire rage au sein de la gauche entre les partisans d’une politique de l’offre et ceux qui veulent une relance par la demande. Au sein de l’opposition à droite, le clivage entre européistes et souverainistes est tout aussi profond, de telle sorte que la France a peu de chances de se faire entendre au niveau européen si elle se révèle incapable de résoudre d’abord ses propres contradictions.
Une autre condition, éventuellement plus difficile à rencontrer, est d’accepter que dans une Europe réformée et démocratique, l’influence de la France soit définie non par la grandeur de son autosatisfaction mais doit plutôt découler de sa contribution à l’ensemble (soit environ 13% de la population). Il conviendra évidemment de tenir compte aussi de qualité indéniable des contributions spécifiques que la France peut apporter sur le plan politique, économique, scientifique, culturel et humain que lui confère sa longue et prestigieuse histoire.