6 avril 2017 • Opinion •
Alors que les politiques d’immigration sont toujours au cœur des débats, la France doit-elle refonder sa politique d’asile sur d’autres bases ? Jean-Thomas Lesueur répond à la question dans les colonnes de La Croix…
Une population de 36 233 personnes ont été protégées en France l’an dernier par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) ou la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) en 2016, en hausse de 35% par rapport à 2015. Ce chiffre ne doit pas faire minimiser les enjeux liés à la politique d’asile. D’abord parce que si le « flux » peut paraître modeste, le « stock » est important : la France accueille déjà plus de 270 000 réfugiés sur son sol. Ensuite, parce que la politique d’asile a été dévoyée de sa vocation pour devenir un moyen privilégié de contourner les critères d’obtention d’un titre de séjour.
De fait, en 2015, l’OFPRA a répondu favorablement à 26% des demandes d’asile – ce qui signifie que 74% des demandes n’étaient a priori pas motivée par une « crainte fondée » de persécution. C’est l’un des taux les plus bas d’Europe. Seule la Pologne est plus restrictive. Mais si la faible proportion de réponses positives ne fait en rien diminuer le nombre de demandes, c’est que ces demandes débouchent presque systématiquement, et quelle qu’en soit l’issue, sur une installation du demandeur sur le territoire. La Cour des comptes estime qu’en 2014, 96% des déboutés seraient restés en France. En cause : la longueur des procédures d’examen des dossiers de l’OFPRA, les recours presque systématiques auprès de la CNDA et la non-exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Ces raisons mènent à une véritable « politique publique » de maintien sur le territoire des déboutés de l’asile.
Ce dysfonctionnement est à l’origine d’un cercle vicieux aux conséquences multiples, dont les premières victimes sont les demandeurs d’asile légitimes. En effet, durant des années, le nombre de nouveaux demandeurs a dépassé les capacités d’absorption de l’Ofpra, entraînant un stock croissant de dossiers en souffrance, avec pour première conséquence une saturation des dispositifs d’hébergement réservés aux demandeurs d’asile. De fait, moins d’un tiers des demandeurs d’asile est hébergé dans un établissement spécifique (CADA). L’instabilité et la conflictualité du monde laisse augurer la poursuite d’un phénomène de demandes d’asile dans les années à venir. Pour y faire face, la France doit refonder sa politique d’asile en sortant du cercle vicieux qui la lie à l’immigration illégale. Il est urgent de fluidifier l’ensemble du système d’asile pour le recentrer sur la protection des personnes menacées. Nous proposons donc de filtrer les demandes d’asile avant l’arrivée des demandeurs sur le territoire, de réduire le temps de traitement des demandes, d’enrayer la logique de la clandestinité comme suite naturelle à l’asile, de renforcer l’application des OQTF et d’héberger les demandeurs d’asile uniquement dans des centres spécifiques.