La France au cœur de l’OTAN · Théorie des ensembles et défis géopolitiques

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

20 mars 2009 • Analyse •


Vingt ans plus tôt, alors que l’implosion du bloc soviétique annonçait la proche dislocation de l’URSS, François Mitterrand évoquait le besoin d’une « nouvelle théorie des ensembles ». Selon certaines analyses, l’OTAN n’était pas censée survivre bien longtemps à sa victoire froide sur l’Est et, à brève échéance, les Européens déploieraient leur propre système de défense. Le 11 mars 2009, Nicolas Sarkozy a confirmé la pleine participation de la France à une OTAN rénovée. La PESD (Politique européenne de sécurité et de défense) n’est plus implicitement posée en rivale de l’OTAN et la France réaffirme l’importance de la cohésion entre Occidentaux. Les représentations françaises, celles des élites comme celles de l’opinion publique, se mettent donc en adéquation avec les réalités géopolitiques. Cela dit, les défis sont à la mesure des incertitudes. L’avenir de l’OTAN doit être pensé en liaison avec l’Union européenne, dans les paysages géopolitiques méditerranéens et eurasiatiques.


Il faut en tout premier lieu insister sur le fait que le retour complet de la France dans la structure militaire intégrée de l’OTAN s’inscrit dans une histoire de longue durée. Si rupture il y a, c’est moins dans l’ordre stratégique et militaire que sur le plan des rhétoriques et des représentations géopolitiques. De fait, la France est l’un des pays fondateurs de l’Alliance atlantique et le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Robert Schuman, qualifié de « père de l’Europe », a joué un rôle décisif dans les négociations qui ont mené à la signature du traité de Washington (4 avril 1949). La diplomatie française insiste alors sur les vertus de l’« intégration » et le besoin d’une structure militaire organisée dès le temps de paix. Le territoire national accueille la plupart des institutions politiques et militaires alliées ; il est l’ombilic de l’OTAN. Certes, la décision du 7 mars 1966 ouvre une fracture dans l’espace géostratégique de l’OTAN, non sans dommages de part et d’autre, mais très vite divers accords militaires et logistiques sont passés pour réduire cette fracture (notamment les accords Ailleret- Lemnitzer et Valentin-Ferber, en 1967 et 1974). Au fil des années, le corps de bataille aéroterrestre français monte en puissance en Centre-Europe et les doctrines nucléaires se rapprochent. Pourtant, les fortes synergies entre la France et ses alliés demeurent une affaire de spécialistes et d’initiés. Pour une partie de l’opinion publique, l’OTAN est perçue comme une chose lointaine, voire hostile. D’aucuns imaginent la France comme une sorte de Yougoslavie titiste dont la mission consisterait à ruser sur les axes Est-Ouest et Nord-Sud (rappelons que la France n’était pas invitée à la conférence de Bandoung, en avril 1955 …).