Une approche géopolitique de la triade Paris-Londres-Berlin · Un nouvel « équilibre de déséquilibres »

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Juillet 2011 • Note •


Jean-Sylvestre Mongrenier présente sa note en vidéo


Le rôle joué par la France et le Royaume-Uni dans l’opération militaire menée en Libye d’une part, les réserves dont l’Allemagne témoigne dans cette affaire d’autre part, ont mis au grand jour les différences de posture stratégique entre Paris, Londres et Berlin. Une nouvelle « entente cordiale » semble prendre le pas sur le traditionnel « couple franco-allemand » et la perspective d’un triumvirat Paris-Londres-Berlin à la tête de l’« Europe de Lisbonne » s’éloigne plus encore. Cela dit, il s’agit moins de rivalités de puissance, selon des logiques westphaliennes, que de la définition de nouveaux équilibres géopolitiques au sein de la « communauté euro-atlantique » et dans la région Vancouver-Vladivostok.


L’Europe a été le lieu inaugural de la Guerre froide, son principal théâtre aussi, ce qui l’a maintenue plusieurs décennies au centre de la politique mondiale, comme enjeu stratégique du moins. Séparée de son hinterland continental par le « rideau de fer », l’Europe de l’Ouest correspondait à la partie non-américaine de l’Alliance atlantique. L’organisation politico-économique de cet espace reposait sur un « équilibre de déséquilibres » entre la France, la République Fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni, à l’abri du parapluie militaire américain. La France usait de son statut d’Etat nucléaire pour compenser la puissance économique ouest-allemande. Quant au Royaume-Uni, le « special relationship » avec les Etats-Unis lui permettait de maintenir son rang. Plus que sous d’autres cieux, la fin du conflit Est-Ouest aura profondément renouvelé les problématiques de puissance au sein d’une Europe désormais « une et entière », depuis ses finistères occidentaux jusqu’à l’isthme Baltique-mer Noire.

La réunification de l’Allemagne et la disparition de la « Russie-Soviétie » ont donc mis à bas l’ordonnance subcontinentale de la Guerre froide et la nécessité d’une « nouvelle théorie des ensembles » s’est de suite fait sentir. Depuis lors, Paris, Londres et Berlin sont en quête d’autres points d’équilibre dans leurs rapports réciproques. Certes, les configurations qui résultent de ces stratégies nationales entrecroisées ne sont pas conformes à l’image d’une « Europe à la française », ordonnée selon les règles d’une raison raisonnante (l’esprit de géométrie, sans l’esprit de finesse). Pour autant, il ne s’agit pas d’un retour à l’Europe d’avant la « nouvelle guerre de trente ans » (1914-1945), écartelée par les rivalités de « puissances » en lutte pour l’hégémonie mondiale. L’équilibre des déséquilibres entre Paris, Londres et Berlin, ainsi qu’un souple partage des rôles, en bonne intelligence avec leurs alliés, peut contribuer à la force et à la cohésion de la « communauté euro-atlantique ».