Financer le développement · Comment faire après la crise ?

A l’occasion du G20 de Cannes, l’Institut Thomas More propose une étude comparative de 12 des principaux dispositifs de financements innovants pour le développement

Novembre 2011 • Note de Benchmarking 7 •


A la veille de l’ouverture du sommet du G20 de Cannes, l’attention de la communauté internationale est largement concentrée sur la crise de l’endettement européen et les réponses apportées par le sommet de Bruxelles du 26 octobre. D’autres enjeux recèlent pourtant la même urgence, au premier rang desquels figurent le financement du développement et le soutien apporté aux pays pauvres. Dans un contexte de raréfaction de l’APD (Aide Publique au Développement), les débats sur les financements innovants se sont multipliés. La France, et d’autres pays européens, soutiennent la création d’une taxe sur les transactions financières. Est-elle crédible ? D’autres solutions sont possibles. La nouvelle note de Benchmarking de l’Institut Thomas More met au banc d’essai 12 mécanismes de financements innovants.


La crise mondiale qui dure depuis trois ans n’a pas été et n’est pas dans ses développements un « problème de riches ». Elle a eu des conséquences lourdes pour les pays pauvres, très vulnérables à la conjoncture internationale et très dépendants de leurs exportations. Elle les impacte également à travers les contraintes sévères que va faire peser la crise de la dette sur l’aide publique au développement (APD) versée par les pays riches. L’Afrique, du fait de sa dépendance structurelle à l’APD – en moyenne 9% du PIB des pays africains –, est assurément la plus menacée. Les pays donateurs sont en effet confrontés à la question simple et claire : comment continuer à financer le développement, alors que les caisses sont vides ? Autre mauvaise nouvelle : il paraît maintenant acquis que l’un des principaux « Objectifs du Millénaire » (OMD), celui consistant à réduire de moitié l’extrême pauvreté d’ici 2015, ne sera pas atteint. La Banque mondiale considère en effet qu’en raison de la crise, 53 millions de personnes supplémentaires demeureront extrêmement pauvres d’ici 2015.

C’est en réponse à ce double défi d’un besoin constant de développement au Sud et d’une pénurie croissante de moyens publics au Nord que la question des financements innovants s’est imposée dans le débat public. Mais si l’intérêt pour eux s’est accru depuis 2008, il convient de rappeler que leur création est un peu plus ancienne. En effet, avec la création du Groupe Pilote sur les financements innovants (Leading Group on Innovative Financing) en 2006, principale enceinte de discussion et de propositions, ce sont 2 milliards de dollars de financements additionnels qui ont été dégagés par différents moyens, comme la taxe sur les billets d’avion, d’initiative française, la garantie d’achat futurs (AMC) ou la facilité internationale de financement sur fonds gratuits (IFFIm), d’initiative britannique.

Avec ses 100 à 120 milliards de dollars par an depuis cinq ans, l’APD demeure fondamentale mais, malgré les critères sur l’efficacité de l’aide définis en 2008 à Accra (Ghana), elle reste volatile et imprévisible. Elle est, en effet, liée à des impératifs politiques et budgétaires nationaux inévitablement changeants. Pour relever enfin les défis posés par le développement, il faut un effort de longue haleine qui puisse être le moins impacté possible par l’aléa politique. Le caractère stable et prévisible de ces nouveaux financements vient du fait qu’ils s’appuient sur des activités économiques ayant profité de la mondialisation – comme les transports, le commerce ou la finance – et qui ont, selon toute vraisemblance, de beaux jours devant elles. Notons en outre qu’une nouvelle gouvernance du développement est à l’œuvre – ou à tout le moins à l’essai… – dans ces nouveaux mécanismes, puisqu’Etats et acteurs privés (fondations, ONG, entreprises, etc.) peuvent s’y associer plus étroitement ; financements publics et contributions volontaires privées peuvent s’y combiner plus facilement.

Sans forcément partager l’enthousiasme, peut-être trop grand encore à ce stade, d’officiels français qui affirment qu’« en quatre ans, nous sommes passés de l’utopie à l’action », il faut néanmoins regarder avec bienveillance ces initiatives qui ont le mérite de chercher à apporter, même imparfaitement, une partie de la réponse aux immenses défis du développement et de son financement. C’est la raison pour laquelle il est également satisfaisant de voir le G20 se préoccuper de ces questions depuis sa création il y a trois ans et la France mettre les financements innovants à l’ordre du jour du Sommet de Cannes, qui se tiendra les 3 et 4 novembre prochains.

Le 24 janvier 2011, lors de la présentation de la présidence française du G8-G20, Nicolas Sarkozy souhaitait en effet placer les financements innovants au cœur de l’agenda international et prenait sans attendre position en faveur de la création d’une « taxe sur les transactions financières ». Rejointe sur cette idée par plusieurs pays européens et la Commission européenne, on sait les réticences auxquelles la France fait face auprès de la plupart de ses partenaires, à commencer dans le monde anglo-saxon ou parmi les BRIC… Mais comme l’a dit le président de la République lui-même, la taxe financière « ne peut pas épuiser à elle seule toute la question des financements innovants » et d’autres idées peuvent et doivent être explorées…

C’est tout l’objet de la présente Note de Benchmarking. Afin de nourrir le débat ouvert à l’occasion du G20, l’Institut Thomas More propose une étude comparative de 12 des principaux dispositifs de financements innovants existants ou en cours de discussion. Son but est de donner un aperçu le plus objectif et le plus complet possible de ces mécanismes, en les soumettant à une grille d’analyse commune qui permet d’en dégager les points forts et les points faibles. Basée sur la méthode comparative, cette note s’efforce de donner une vue essentiellement qualitative de ces 12 financements retenus, c’est-à-dire que selon une méthode décrite ci-dessous en première partie, chaque financement sera présenté, défini et analysé en deuxième partie, permettant en troisième partie de formuler des recommandations.