Faut-il copier le modèle allemand ?

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

Avril 2012 • Opinion •


En réalité, il ne s’agit pas de copier un « modèle allemand » idéal qui n’existe pas, mais de juger la situation française à la lumière du pays qui se porte aujourd’hui le mieux – ou le moins mal – parmi les pays comparables. Il n’y a pas de « modèle allemand » à imiter mais un exemple allemand à analyser et, pourquoi pas, à suivre si l’exemple est convaincant. De fait, en matière de finances publiques, de chômage, de croissance, de balance commerciale, d’équilibre des comptes sociaux, la situation allemande est meilleure que la nôtre. Au nom de quel différencialisme, absolutisant le caractère propre des peuples, ne pourrait-on pas s’en inspirer… comme on pourrait le faire de bonnes idées ou de bonnes pratiques observées au Canada, dans les pays scandinaves ou ailleurs ?

La France souffre d’une dépense publique trop élevée et paralysante et de l’absence de réformes structurelles depuis plus de trente ans. Résultats : un taux de dépense publique et un taux de chômage parmi les plus hauts, une croissance toujours un point en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Ce que l’exemple allemand nous apprend, c’est l’art de la réforme systémique et rigoureuse.

L’Agenda 2020, lancé par Schröder et prolongé par Merkel, offrait une authentique stratégie et mettait en œuvre des réformes inspirées par un objectif clair : faire de l’Allemagne une puissance exportatrice, fondée sur la compétitivité de son industrie. La réforme Seehofer du système de Sécurité sociale a débuté dès 1992 et l’effort a été sans cesse prolongée depuis (au point que l’assurance maladie allemande était excédentaire de 1,4 milliards d’euros en 2009 quand le déficit français atteignait 10,6 milliards). A partir de 2003, les fameuses lois Hartz ont dynamisé en profondeur le marché du travail allemand (au point que le taux de chômage était de 5,5% en décembre 2011, contre 9,8% en France). L’effort sur la réduction des dépenses publiques – qui pèsent sur la croissance – a lui aussi été continu et conséquent (au point qu’elle s’élevaient en 2011 à 45,3% du PIB, contre 55,8% en France).

La crise de la dette – dont il est douteux que nous soyons définitivement sortis – a donné un relief à ces mesures de saine gestion et, à l’inverse, a encore fragilisé l’économie française. L’homme malade de l’Europe n’est plus l’Allemagne, comme on le disait il y a dix ans. L’agacement provoqué chez certains par la comparaison franco-allemande qui s’est invitée dans le débat présidentiel est à prendre comme un symptôme de plus du malaise français.