Avril 2012 • Note de Benchmarking 12 •
La problématique industrielle, à travers les questions des délocalisations, des fermetures d’usines ou du « produire en France », s’est imposée comme l’un des thèmes de l’élection présidentielle française. Chaque candidat y va de sa ou de ses propositions, de l’allègement de charges à la création d’une banque publique d’investissement, d’un peu de protectionnisme européen à un label garantissant une production française des produits… Le sauve-qui-peut est général et l’on se demande qui aura la baguette magique pour sauver usines, emplois et savoir-faire.
Il faut d’abord se souvenir que l’on sort de trente années de négligence dans la plupart des pays développés. Depuis les années 1980, on présentait les services comme principal secteur d’avenir – auxquels s’ajoutèrent les NTIC à partir des années 1990. C’est principalement l’industrie manufacturière qui a subi la charge et le modèle de « l’entreprise sans usine » paraissait prometteur. Perçue comme un secteur sans avenir dans les pays à haut coût salarial, l’industrie à faible valeur ajoutée s’est délocalisée vers des pays à bas coûts, trop heureux de saisir cette opportunité pour développer eux-mêmes une base industrielle dynamique – on pense bien sûr à la Chine, mais aussi à la Corée du Sud par exemple.
L’Allemagne, comme les autres pays occidentaux, s’est engagée sur cette voie. Mais un ensemble de facteurs explique qu’elle a cherché à défendre, plus que d’autres, son paysage industriel en misant en particulier sur l’innovation et la technologie de pointe : ancrage historique et culturelle de l’industrie dans l’économie allemande, importance des entreprises patrimoniales, stratégie concertée entre l’État, les entreprises et les syndicats, etc. Choix finalement payants, notamment à l’export. Car, si les services permettent à une économie de soutenir sa croissance intérieure, ce sont les biens industriels qui font la différence dans la balance commerciale. Tous les pays qui ont une balance commerciale fortement positive sont de grands producteurs industriels – comme l’Allemagne, le Japon ou la Chine. Avec un déficit commercial de plus de 70 milliards en 2011, la France peut méditer ces exemples…
Un secteur industriel performant est un système complexe dont la réussite dépend d’une multitude de facteurs : capital disponible, formation et disponibilité de la main-d’œuvre, innovation, incitation publique adéquate, comportement de la population face au risque entrepreneurial et à l’innovation, volonté d’adaptation à un marché mondial de plus en plus compétitif, etc. De ce point de vue, les faiblesses de la France sont connues : un coût du travail qui pèse sur la compétitivité, un système de soutien et d’aides publiques aux entreprises peu efficace – qui profite surtout aux grands groupes –, trop peu d’entreprises petites ou moyennes qui exportent, des dépenses de R&D trop faibles, etc.
En s’appuyant sur l’exemple allemand, l’Institut Thomas More dessine les contours d’une politique industrielle enfin performante. Mais attention, qui dit « politique industrielle » ne dit pas dirigisme. Le Commissariat au Plan a fait son temps ! Ce n’est pas l’État qui doit être à la manœuvre, mais les entreprises. L’État, lui, doit se cantonner à un rôle d’arbitre et d’incitateur.
Les candidats à l’élection présidentielle sauront-ils le comprendre ?