Conforter la présence française dans l’OTAN

Philippe Maze-Sencier, membre du conseil d’administration de l’Institut Thomas More, et Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

19-20 mai 2012 • Opinion •


A quelques heures de l’ouverture du Sommet de l’OTAN à Chicago, Philippe Maze-Sencier et Jean-Sylvestre Mongrenier reviennent sur le sens et les raisons de l’engagement de la France dans l’Alliance atlantique.


Les 19 et 20 mai 2012, François Hollande se rendra à Chicago pour participer au sommet de l’OTAN. La guerre d’Afghanistan, la défense antimissile et la mutualisation des capacités militaires entre les Alliés y seront discutées. D’emblée, le président français sera donc projeté au cœur de la géostratégie mondiale. Les enjeux liés à la présence française dans l’OTAN sont en effet sans commune mesure avec le « droit d’inventaire » invoqué lors de la campagne présidentielle.

De prime abord, rappelons que la décision prise en 2009 par Nicolas Sarkozy d’une pleine participation française à la structure de commandement, lors du sommet de Strasbourg-Kehl, était le point d’aboutissement d’un processus amorcé par François Mitterrand et relancé sous Jacques Chirac. Cette décision a mis fin au grand écart entre le rôle historique joué par la France dans l’Alliance atlantique d’une part, des rhétoriques mâtinées de « non-alignement » d’autre part. Le positionnement géopolitique de la France est clarifié et l’on s’en félicite, dans les faits comme sur le plan de la psychologie collective.

Les enjeux sont aussi d’ordre décisionnaire. Le retour de la France dans les états-majors de l’OTAN lui a permis d’obtenir des postes de commandement à la mesure de son engagement. Ainsi, le Commandement allié de la Transformation (ACT) – l’un des deux commandements suprêmes –, est allé à un général français. L’ACT joue un rôle majeur dans la réforme de l’OTAN et le projet de mutualisation des capacités militaires (la « Smart Defence »). En avril dernier, la réunion des chefs d’état-major de l’OTAN a confirmé et amplifié le poids décisionnel de la France qui disposera bientôt d’autant d’officiers généraux dans la structure militaire que le Royaume-Uni.

La réduction des « dissonances cognitives » opérée par la décision de Strasbourg-Kehl et le fort investissement dans l’OTAN ont aussi permis de rapprocher les positions diplomatico-militaires françaises et britanniques. Signé en novembre 2010, les traités de Lancaster House en sont l’expression et cette volonté de renforcer la coopération bilatérale s’est traduite sur le terrain, avec le commun engagement en Libye. Au-delà de ce cas de figure, il n’y a que la France et le Royaume-Uni qui conservent des capacités d’intervention militaire sur des théâtres extérieurs et c’est en étroite alliance que ces deux États demeureront des puissances de rang mondial.

En appeler à l’« Europe de la défense » pour justifier une forme de statu quo à l’intérieur de l’OTAN serait de mauvaise politique. Il ne se trouve guère de pays en Europe, aucun en vérité, pour envisager un format exclusivement européen dans le domaine de la défense mutuelle. Principal allié et partenaire de la France à l’intérieur de l’Union européenne (UE), l’Allemagne est sur une ligne d’affirmation géo-économique. Elle néglige encore les questions militaires et privilégie l’appartenance à l’OTAN qui lui permet aussi de contrebalancer son partenariat commercial et énergétique avec la Russie. Plus généralement, l’UE constitue un vaste et distendu Commonwealth paneuropéen dont on peine à imaginer la transformation en une entité politico-militaire. La crise de la zone Euro et les déchirement internes mettent au jour la fragilité géopolitique de la « construction européenne » qui, décidément, a d’autres priorités que les questions de défense.

Au vrai, l’« Europe une et libre » à laquelle les Occidentaux œuvrent depuis la fin de la Guerre froide repose sur deux piliers complémentaires : l’UE et l’OTAN. Sans l’engagement militaire des États-Unis et les garanties de sécurité corrélatives, il serait très difficile de contenir la pression russe sur les franges ouest de l’aire post-soviétique et les logiques anomiques du Grand Moyen-Orient. In fine, il se pourrait même que le « chacun pour soi » l’emporte en Europe. A contrario, un solide pilier atlantique permettra à l’UE de jouer sur ses avantages comparatifs, à travers sa politique méditerranéenne, son partenariat oriental et sa politique énergétique.

Aussi la France doit-elle se placer à l’intersection du cercle européen et du cercle atlantique. Étant en mesure de participer activement au déploiement d’une défense antimissile contribuant à la sécurité interalliée, elle ne saurait temporiser ad aeternam. Sur le théâtre afghan enfin, le calendrier de retrait doit être fixé selon les règles du multilatéralisme atlantique.