Redonner une boussole à la droite

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

7-8 juillet 2012 • Opinion •


Après sa défaite aux élections présidentielles et législatives, la droite française doit se reconstruire par les idées, avant les hommes. Elle ne pourra le faire qu’en engageant un profond travail sur ses valeurs, sa morale, ses idées. L’Institut Thomas More, fidèle à ses convictions, invite les responsables de la droite française à prendre la mesure du travail à accomplir.


Les Français ont voté et donné les pleins pouvoirs à la nouvelle majorité socialiste, confirmant le choix de la gauche effectué depuis quinze ans à chaque élection municipale, cantonale, régionale ou sénatoriale. Dans l’histoire récente, la présidentielle de 2007 a été l’exception : Nicolas Sarkozy avait su conquérir le pouvoir. Mais la droite, oubliant que gouverner, c’est déployer une vision, c’est tracer un chemin, n’a pas fait son aggiornamento pour le conserver.

Sa mission est désormais de se reconstruire par les idées, avant les hommes. Ce dont elle a en effet besoin est ce que partis et responsables ont ignoré : des valeurs et des principes fondateurs. Elle ne dépassera pas autrement les pièges dressés à la fois par la gauche triomphante et par le Front national renaissant. La droite doit dire qui elle est, quelles sont ses valeurs, quelle est sa morale, quelle vision elle a de la France, de son identité, de son avenir. Qu’elle ait l’honnêteté de se reconnaître sans boussole et de travailler à retrouver son cap.

Le temps de la sélection du « champion » n’est pas venu. D’ailleurs comment choisir un leader sans connaître précisément son échelle de valeurs, ses convictions et ses repères ? La droite ne s’est-elle pas décrédibilisée – parfois d’abord aux yeux de son propre électorat – en engageant des réformes non parce qu’elles correspondaient à sa vision de la société ou à sa conception de la personne humaine mais parce qu’elles satisfaisaient à « l’esprit du temps » ?

L’heure est donc venue pour elle de se refonder, de se redéfinir, de se réinventer. Mais cette œuvre ne peut plus être le fait des seuls partis politiques. Comme dans toutes les grandes démocraties, cette mission relève désormais des centres de réflexion et des think tanks. C’est à ces structures, indépendantes des partis politiques, d’être les artisans de ce travail de fond préalable au choix des hommes. L’Institut Thomas More, réellement indépendant de tout parti politique depuis sa création, est évidemment l’un d’eux.

Les valeurs et les idées de la droite, il faut les penser, les travailler, les affirmer et leur donner une traduction concrète : nous sommes donc décidés à consacrer les mois et les années à venir à aider à ce travail de reconstruction.

Sur la reconnaissance de la dignité de la personne humaine, car nous savons que la politique ne peut avoir pour ambition de gouverner les hommes sans vision profonde de l’homme. Sur l’indispensable revalorisation, dans un pays qu’on a laissé s’habituer au tout-Etat, des valeurs de liberté et de responsabilité, car nous savons que la politique doit avoir comme objectif de faire respirer et s’épanouir la société et non l’Etat. Sur la redéfinition complète d’une politique sociale et de ses principes, car nous savons les effets pervers d’un « modèle social » étouffant, coûteux et créateur de la pire injustice, celle du chômage. Sur la légitimité de l’autorité, car nous savons les ravages d’une absence de respect des autorités « naturelles » que sont les parents, les enseignants, les forces de l’ordre. Sur la culture de l’excellence, car nous savons qu’à l’école, dans l’entreprise, dans la famille, c’est une vision dynamique, qui pousse vers le haut et qui récompense, qui permet l’épanouissement de chacun.

Sur ce que peut être la France demain, enfin, car nous savons que les Français ont besoin d’une nouvelle pédagogie de l’enracinement. Ni tabous, ni gros mots, l’appartenance, l’identité, les racines n’interdisent ni l’ouverture à l’autre, ni l’accès à l’universel. Elles les priment. C’est d’elles qu’il faut partir. Mais après quarante ans d’un débat jacobin stérile entre réduction de l’identité française aux valeurs républicaines à gauche et célébration de la « France seule » à la droite de la droite, il est temps d’ouvrir les fenêtres et d’oser renverser les totems : la France n’est pas la France sans ses provinces et la France n’est pas la France sans l’Europe. Il faut en finir avec l’obsession unitaire qui étouffe et uniformise. La patrie, les patries, respirent mieux que la République égalitaire. Subsidiarité à l’intérieur (contre le centralisme) et fédéralisme à l’extérieur (plutôt que la hantise de la frontière) doivent désormais se conjuguer pour réinventer un nouvel « art d’être Français »…

Après trente ans sans réformes structurelles et une crise sans précédent, il faut prendre acte de l’épuisement du modèle français et la pesanteur de ses tabous. Face à une gauche sans idée neuve mais désormais dotée de tous les leviers du pouvoir, la droite française est appelée à un immense effort de rénovation de son système de valeurs et de ses cadres de pensée. Si elle n’a pas ce courage de l’intelligence, la gauche est au pouvoir pour longtemps.