En finir avec l’impossible réforme de la formation professionnelle · 15 propositions pour une approche responsable et durable

Michel Fourmy, spécialiste en management des ressources humaines, expert auprès de l’Institut Thomas More

Décembre 2013 • Rapport 14 •


Sur l’inefficience et les résultats de la formation professionnelle, tout a été dit ou presque : trop peu de salariés et de chômeurs formés ; une formation qui profite plus aux cadres qu’aux ouvriers ; des centaines de milliers d’emplois disponibles qui ne trouvent pas preneurs ; un chômage des jeunes très élevé ; un système d’apprentissage insuffisant ; un maquis de dispositifs et d’acteurs rendant l’ensemble incompréhensible pour ceux à qui ils sont destinés. Devant ce sombre bilan, largement partagé, rien ne se passe… Réforme après réforme, le conservatisme et la défense des situations acquises se conjuguent pour que le système reste le même. La réforme, initiée par François Hollande et piloté par Michel Sapin, sera-t-elle la bonne ? Chacun craint une réforme a minima. Mais alors, que faire ?


Quatre conditions doivent être réunies pour changer la donne : la réforme doit être réaliste (en responsabilisant et en donnant davantage d’autonomie aux acteurs et en assignant un double objectif : l’accès à l’emploi et l’employabilité) ; elle doit être ambitieuse (en englobant tous les aspects de la formation professionnelle et pas seulement quelques dispositifs d’application) ; elle doit être courageuse (en n’hésitant pas à bousculer les situations acquises) ; elle doit être inscrite dans le temps (en combinant les actions à court terme et celles à long terme).

Pour y parvenir, l’Institut Thomas More identifie 4 leviers de réforme et 15 propositions.

Se donner les moyens d’une réforme systémique et durable

C’est d’une réforme systémique et durable, qui remet tout à plat (dispositifs, acteurs, objectifs, financements), dont la formation professionnelle a besoin si l’on veut qu’elle serve enfin l’emploi, le développement des entreprises et l’employabilité des salariés. Pour ce faire, il faut définir un schéma directeur global des changements à conduire en 3 ans contenant tous les axes de la réforme. Ce schéma directeur sera piloté par un Comité de pilotage interprofessionnel, ouvert à toutes les parties prenante et responsable devant le Parlement. En mettant rapidement en œuvre les accords de l’ANI 2013 en matière de gouvernance et en annonçant la remise à plat des financements, en supprimant notamment à terme « l’obligation du 0,9% », la dynamique peut être lancée rapidement.

Rendre chacun acteur de son employabilité par l’apprentissage tout au long de la vie

L’objectif de la formation professionnelle doit être clair : renforcer l’autonomie de chacun et sa capacité à accroître son employabilité. Cela exige d’adapter enfin les approches en matière de parcours professionnels des salariés et de mettre en œuvre un authentique « apprentissage tout au long de la vie ». Pour y parvenir, il faut accroître la responsabilité de chacun, adapter la formation professionnelle aux nouvelles réalités du travail et du développement des compétences, sensibiliser chacun, dès la classe de troisième, aux enjeux de sa formation et engager enfin la réforme de l’apprentissage, en s’inspirant des pays les plus efficaces en la matière.

Faire de la région l’épicentre de la réforme

Pour mettre fin à un système marqué par l’hyper-complexité et le « centralisme paritaire », il faut réaliser du même coup la simplification du paysage et l’édification de la région en épicentre de la réforme. Il faut aller vers moins d’acteurs, plus responsables et plus près du terrain. Pour atteindre cet objectif, le choix de la région comme épicentre de la réforme s’impose comme bon niveau de consolidation des besoins locaux et de coordination des structures de la formation professionnelle ainsi que de l’apprentissage, grâce à la mise en œuvre et le pilotage d’une GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) au niveau régional.

Valoriser le rôle et renforcer la responsabilité sociétale des entreprises

Les entreprises ont un rôle social et sociétal évident qu’il convient de valoriser et de renforcer. Pour atteindre cet objectif, il faut quitter la culture de défiance que nous avons développée à l’encontre des entreprises pour leur permettre d’exercer pleinement leur responsabilité en matière de formation en substituant un Plan de développement de l’emploi et de l’employabilité (PDEE) au Plan de formation existant, davantage axé sur les résultats attendus, en garantissant la mise en œuvre de l’obligation d’établir une GPEC au sein de toutes les entreprises, en mettant en place des dispositifs de soutien aux TPE et en les incitant à renforcer l’apprentissage en leur sein comme moyen d’accès à l’emploi.