Nouveaux outils financiers en Afrique · Un succès possible, à trois conditions

Paul Goldschmidt, membre du Conseil d’orientation de l’Institut Thomas More

22 mai 2014 • Opinion •


Récemment rappelé avec force lors du sommet UE-Afrique de Bruxelles, le besoin en investissements constitue l’une des clés du développement économique de l’Afrique – rien que pour les infrastructures, la Banque mondiale évalue les besoin du continent à plus 90 milliards de dollars par an… Si un certain nombre de pays africains connaissent actuellement un essor remarquable et encourageant, de fait, l’Afrique ne s’insère encore que trop modestement dans la chaîne de production et des échanges mondiaux (3% du commerce mondial).

Mais les grands bouleversements géopolitiques de ces dernières années, notamment l’émergence progressive d’un monde multipolaire interdépendant mise en évidence par la croissance rapide des BRICS, ont déjà eu une incidence profonde en Afrique. De nouveaux types de partenariat ont été négociés permettant d’accélérer les investissements en infrastructure dont le besoin est pressant si l’Afrique veut relever le double défi d’une explosion démographique et d’une amélioration substantielle du niveau de vie de ses populations.

Pour y faire face, de nouveaux outils, notamment financiers, sont nécessaires. Aujourd’hui, Londres, Dubaï et Johannesburg constituent les principales places de mobilisation financière à destination du continent. Pour des raisons qui tiennent à la spécificité de chacune, elles ne permettent pas d’accueillir dans des conditions optimales les acteurs intéressés à investir en Afrique de l’Ouest et centrale notamment. Le besoin de la création d’une place endogène se fait de plus en plus sentir pour satisfaire cette attente. Une place financière répondant aux meilleurs standards internationaux, installée sur le continent et destinée aux investissements en Afrique, est-elle aujourd’hui envisageable comme l’assurent certains ? Trois conditions devront être réunies pour y atteindre.

La première est évidente : la stabilité politique et institutionnelle. Entre « printemps arabe », islamo-terrorisme et États faillis, le continent est en ébullition. Des zones entières sont aujourd’hui plongées dans l’instabilité et la corruption. Mais les trains n’arrivent pas qu’en retard et des pays comme la Tanzanie, le Ghana, l’Ethiopie ou le Maroc constituent des points d’appui prometteurs. En Afrique de l’Ouest, la reconstruction de la Cote d’Ivoire et les réformes au Sénégal donnent de l’espoir. Là où le développement économique et la stabilité politique se nourrissent et se renforcent mutuellement, des résultats favorables voient le jour.

La deuxième condition découle de la première : un cadre juridique clair et stable. C’est une règle bien connue, l’investissement va là où les règles du jeu sont sûres et pérennes. L’incertitude et la corruption le font fuir. A ce titre, la place Casablanca Finance City lancée par le Maroc en 2010 constitue un exemple intéressant, avec un appareil juridique et réglementaire solide qui confie la gestion du projet à un seul acteur, aux missions claires et à la gouvernance transparente. Le Global Financial Centres Index l’a récemment classé, dès son entrée, à la 62e place mondiale et à la 2e place africaine.

La troisième condition constitue le principal défi et la principale difficulté, à savoir une offre financière globale et la mise en œuvre de dynamiques d’intégration à la fois verticale et horizontale. Une nouvelle place financière africaine de premier plan devra en effet permettre aux institutions multilatérales de développement actives en Afrique, aux entreprises désireuses de s’y implanter, aux financiers apporteurs des capitaux nécessaires ou encore aux pourvoyeurs de services de support de se côtoyer dans un même écosystème. Pour les pays africains, cela constituera également un avantage non négligeable de pouvoir accéder en un endroit unique, à l’ensemble des intervenants concernés. Pour convaincre et sécuriser chaque partie prenante, la structure devra lui offrir la possibilité de contacter les intervenants complémentaires pour mener à bien des projets, quelle que soit leur taille ou leur complexité. Ainsi, que ce soient des projets d’infrastructure, d’investissements industriels ou commerciaux, les promoteurs devront avoir accès sur place à des institutions capables de leur apporter un soutien financier, de constituer des partenariats ou encore de fournir des conseils en matière politique, juridique, réglementaire, fiscal et comptable ou encore des services d’assurance, de logistique, etc.

Stabilité politique et institutionnelle, cadre juridique sûr et offre globale et intégrée : les conditions de réussite ne sont pas minces ! Mais les opportunités qui se profilent sur le continent africain et la croissance prometteuse attisent les appétits. Le développement économique réclame des outils financiers performants et adaptés. Le chantier est immense et appelle l’esprit pionnier. Nombre d’Africains n’en manquent pas…