L’Union européenne face à l’immigration

Gérard-François Dumont, géographe, professeur à l’Université Paris 4-Sorbonne, président de Population & Avenir et membre du Conseil d’orientation de l’Institut Thomas More

Septembre-Octobre 2015 • Analyse •


Diplomatie-76-20150910Attractive et proche de pays économiquement et/ou politiquement répulsifs, l’Union européenne est un espace d’immigration. S’appuyant sur des arguments comptables, elle plaide pour une politique migratoire unifiée qui s’avère difficile à mettre en œuvre compte tenu des situations très différenciées de ses États membres auxquelles s’ajoutent de plus en plus des questions sécuritaires et sociétales. Article publié dans la livraison de septembre-octobre du magazine Diplomatie.


La plupart des habitants de notre Terre préféreraient vivre et travailler dans leur pays. Mais, au XXIe siècle comme toujours au cours de l’histoire, des conflits civils ou des guerres poussent à l’exode des personnes espérant assurer leur simple survie en trouvant la sécurité ailleurs. L’Europe a connu un tel phénomène en son sein au début des années 1990 avec les guerres de l’ex-Yougoslavie, qui engendrèrent des centaines de milliers de demandes d’asile dans les autres pays européens de la part de Yougoslaves fuyant les conflits. Ainsi des conflits militaires déclenchent-ils des flux migratoires.

Or, depuis 2011, de nouvelles vagues d’exodes sont issues de la déstabilisation de plusieurs États ou de régions entières de certains États. Il s’agit, par rapport à d’autres exodes du passé, d’une situation géopolitique nouvelle, car l’Union européenne (UE) et ses pays membres sont en partie responsables de ces exodes. En croyant apporter, voire imposer des solutions aux situations politiques tendues de certains pays du Moyen- Orient ou d’Afrique, en accordant une confiance aveugle à des pays tiers dont les interventions sont également néfastes à la paix, ils ont participé à une déstabilisation de plusieurs régions en Irak, en Libye et en Syrie. Cela explique en grande partie l’augmentation du nombre de migrants clandestins ces dernières années, même s’il ne faut pas omettre la part des migrations clandestines s’expliquant par la nature très autoritaire, et donc très liberticide, de certains régimes, comme celui de l’Érythrée.

Aux causes politiques de répulsion s’ajoutent les facteurs économiques. Nombre de pays d’Afrique ou d’Asie sont répulsifs en raison de leur mauvaise gouvernance, de l’insuffisance de l’État de droit et des pratiques de corruption qui obèrent la création de richesses. Des dirigeants qui ne permettent pas le développement de leur pays poussent à l’émigration des personnes espérant trouver en dehors de leur pays des possibilités d’améliorer leur niveau de vie et, par l’envoi de remises, celui de leur famille restée au pays.

Les différents facteurs explicatifs résumés ci-dessus engendrent de nombreuses émigrations, dont une part importante s’oriente vers l’UE plutôt, par exemple, que vers les riches (et contrôlant très strictement l’immigration) pays du Golfe parce que l’UE est un espace à haut niveau de vie fondé sur des droits qui se révèlent attractifs pour les émigrés.

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