Les dérives de la politique bas carbone de l’UE

Jean-Pierre Schaeken Willemaers, président du pôle Energie, Climat & Environnement de l’Institut Thomas More

L'Echo

3 mai 2016 • Opinion •


Pourquoi s’acharner à augmenter les charges sur la production d’électricité alors qu’un bas prix de l’électricité est essentiel à la compétitivité de l’économie et est bénéfique au pouvoir d’achat des ménages ?


Alors que l’Union européenne ne contribue qu’à hauteur d’une petite dizaine de pourcents aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), principalement du CO2, dues à la combustion de combustibles fossiles et aux processus industriels (ces deux sources d’émissions représentant 78% de l’augmentation totale de GES de 1970 à 2011), elle persiste dans sa politique bas carbone peu efficace et qui pèse de plus en plus sur l’économie européenne au point que certains États membres s’en distancient pour protéger leur propre développement.

C’est le cas non seulement des pays de l’est de l’UE, mais également du Danemark, pourtant un pionnier en matière d’énergie verte. Selon Businessgreen, ce pays revient sur ses objectifs les plus ambitieux de sa politique bas carbone. Il envisage, entre autres, de renoncer à l’arrêt rapide de centrales au charbon ainsi que de bannir totalement, d’ici à 2050, l’usage des combustibles fossiles dans la production d’électricité.

Bien entendu, les pays émergents et en voie de développement, soucieux d’assurer leur croissance économique ce qu’on ne peut leur reprocher, continuent de faire tourner leurs centrales thermiques  produisant de l’électricité bon marché et, partant,  continueront d’émettre davantage de gaz à effet de serre bien au-delà de 2020 et, en ce qui concerne la Chine, au moins jusqu’en 2030. Les émissions de CO2 de ce dernier pays ont crû, en moyenne, de 10%/an depuis 2000 en raison, notamment, de la production d’électricité à partir de charbon. Cette dernière représentera encore largement plus de la moitié du mix électrique en 2020. L’Inde a adopté la même dynamique.

Outre la croissance économique, ces grands pays sont davantage préoccupés par la pollution que par le changement climatique, c.à.d. par les polluants tels que les particules fines, les oxydes de soufre et d’azote etc. qui sont toxiques à la différence du CO2 qui ne l’est pas.

Le mot « should »

Les États-Unis ne sont pas en reste. En effet, il ne faut pas oublier qu’ils ont veillé à ce que la COP21 ne débouche sur aucun engagement contraignant. Ce sont les américains, entre autres, qui ont exigé le remplacement, dans le rapport final, du « shall » contraignant par le mot « should » qui n’indique qu’une orientation.

Dans ce contexte, l’Union européenne ne se fourvoie-t-elle pas en voulant relancer le système ETS (1), ajoutant ainsi une charge supplémentaire (contrainte) au secteur électrique, alors qu’il ne contribue en rien au bon fonctionnement de ce dernier ?

Car, après tout, l’objectif principal d’une politique électrique est d’assurer la sécurité d’approvisionnement électrique à des prix compétitifs et de manière durable.

D’ailleurs, la stratégie énergétique de l’UE s’articule autour de 5 axes dont la décarbonation de l’économie n’est qu’un de ceux-ci, les autres étant, précisément, la sécurité énergétique, la compétitivité, la pleine intégration du marché européen de l’énergie et l’efficacité énergétique.

Pseudo marché ETS

Pourquoi s’acharner à augmenter les charges sur la production d’électricité (qui, dans l’UE, n’intervient qu’à hauteur de 22% de la demande globale d’énergie contre 50% pour la chaleur) alors qu’un bas prix de l’électricité est essentiel à la compétitivité de l’économie et est bénéfique au pouvoir d’achat des ménages ?

Le système ETS, en tant que tel, s’est avéré un échec en raison d’une surabondance de quotas distribués et de la crise économique. Pour remédier à cette situation, une réforme du Système Européen des Quotas d’Émission (SEQE) est devenue nécessaire si on voulait le pérenniser.

Ce reformatage consiste en une modification du fonctionnement du système pour atteindre des objectifs politiques. Il n’est donc plus question d’un véritable marché mais de la mise en place d’une taxe qui ne dit pas son nom.

En outre, fraudes et scandales financiers affectant ce pseudo marché en ternissent gravement l’image.

Bref, un tel système, même adapté pour tenir compte de ses carences, est-il encore justifié en Europe vu son impact négatif sur l’économie et le caractère aléatoire du résultat de la réforme, et alors que les pays en dehors de l’UE qui représentent, comme rappelé au début de ce papier, près de 90% des émissions de CO2, ne considèrent pas une  politique bas carbone comme une priorité dans les prochaines années voire les prochaines décennies ?

Note •

(1) ETS est un système de plafonnement et d’échange qui fixe la quantité totale de GES, exprimée en tonnes de CO2, qui peut être émise par les usines et les centrales électriques durant une période déterminée. Les entreprises émettrices doivent remettre, annuellement, suffisamment de quotas d’émission pour couvrir leurs émissions. Celles qui émettent des quantités de GES supérieures à leurs quotas doivent donc en acheter auprès de celles qui en ont de trop.