Loi Sapin 2 · Un affaiblissement des intérêts des entreprises françaises

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Juillet 2016 • Note d’actualité 39 •


La loi Sapin 2, qui arrive en discussion en séance publique au Sénat, suscite nombre de commentaires et d’interrogations. Parmi les points qui inquiètent le plus, l’article 24 traite de la question de l’immunité des États étrangers en France lors de la saisie de leurs biens dans le cadre de procédures arbitrales. Étrangement, il étend considérablement cette protection, au-delà de ce qu’exigent les conventions internationales en vigueur. Aussi bien en matière de corruption, de droit des victimes, de secret bancaire que de politique commerciale, ses dispositions, si elles étaient adoptées, affaibliraient sérieusement les intérêts des entreprises françaises exportatrices, en particulier les ETI et les PME, face aux États étrangers qui disposeraient ainsi d’une quasi-impunité. Explications…


L’arbitrage, qui permet aux États et aux entreprises (forcément engagés dans des relations commerciales asymétriques, ou l’État dispose des pouvoirs exceptionnels de la puissance publique) de régler leurs différends en terrain neutre, est un pilier du droit international. Force est de reconnaître le prestige que la France, et Paris en particulier, ont acquis en la matière au cours des dernières années. Paris est le berceau historique de l’arbitrage mondial et offre le meilleur terrain d’entente à des parties déséquilibrées par essence. L’arbitrage constitue le mécanisme préféré de résolution des litiges internationaux pour les litiges commerciaux privés comme pour les litiges concernant des investissements impliquant des États et des entités privées.

Enjeu important pour l’image de la France, il est encore plus primordial pour la défense de nos entreprises engagées de par le monde dans des relations commerciales avec des États dont la pratique du respect du droit commercial peut être à géométrie variable selon les régimes et les époques. Cet enjeu est majeur car, loin de l’image d’un pays replié sur lui-même, il faut avoir à l’esprit que les exportations représentent 29% du PIB français (chiffre attendu pour 2016). Et les grands groupes sont loin d’être les seuls concernés : les ETI jouent un rôle prépondérant sur ce marché puisque 73% d’entre elles sont présents à l’export, représentant un tiers du chiffre d’affaires des entreprises françaises à l’export. Les PME ne sont pas non plus absentes de ce marché puisqu’elles représentent 16% des exportations de l’économie française en valeur. Au total, ETI et PME représentent donc la moitié de l’effort exportateur français.

L’article 24 du projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », dite loi Sapin 2 , traite de la question de l’immunité des États étrangers en France lors de la saisie de leurs biens ; il étend considérablement cette protection, au-delà de ce qu’exigent les conventions internationales en vigueur. Ce faisant, et étrangement, il porte en germe l’affaiblissement de la position concurrentielle internationale de nos entreprises et de l’image de la France comme place d’arbitrage international.

Article controversé dès sa curieuse genèse, il est pétri de contradictions avec de multiples effets contreproductifs à prévoir et risque d’affaiblir les intérêts des entreprises françaises.