Existe-t-il un multiculturalisme à la française ?

Synthèse de la Rencontre du 3 mai 2016, à Paris, avec Mathieu Bock-Côté, chargé de cours à HEC Montréal, chroniqueur au Journal de Montréal et auteur de Le multiculturalisme comme religion politique (Le Cerf, 2016)

Juillet 2016 • Note 16 •


Les thèmes que Mathieu Bock-Côté traite sans fard dans son livre Le multiculturalisme comme religion politique (Cerf, 2016) – multiculturalisme, identité, rejet de la culture traditionnelle, confiscation démocratique – sont ceux qui, on peut en être assuré, domineront l’actualité politique des prochaines années, à commencer par le scrutin présidentiel en France de l’an prochain.

En effet, terrorisme, crise des migrants, tensions sociales, montée du vote protestataire : le moins que l’on puisse dire, c’est que la cohésion de la société française est mise à rude épreuve. Comme le dit de manière convaincante Laurent Bouvet, « l’insécurité culturelle » domine désormais toutes les autres dans l’esprit des Français : si les inquiétudes économiques et sociales demeurent naturellement, la peur d’un changement profond de culture et de mode de vie, alimentée par la mondialisation comme par l’immigration et leurs conséquences, a pris ces dernières années une place inédite et considérable.

Comment l’expliquer, alors que son « modèle républicain » était censé protéger la France des excès du multiculturalisme ? Comment expliquer que le premier ministre Manuel Valls soit allé, après les attentats de 2015, jusqu’à dénoncer « l’apartheid territorial, social, ethnique » qui rongerait notre pays ? De quel échec une telle déclaration est-elle le signe ?

Eh bien, pour Mathieu Bock-Côté, c’est l’échec de ces quarante dernières années, c’est l’échec de ce qu’il considère comme la révolution entamée par mai 68. Pour lui c’est l’échec de la gauche qui, devant l’effondrement du marxisme, a inventé l’égalitarisme identitaire et a, en quelque sorte, confisqué la démocratie en empêchant qu’on pense et qu’on agisse hors des cadres qu’elle a su imposer.

Avec lui, il convient donc de nous demander si la société multiculturelle dans lesquelles nous vivons de fait, que cela nous plaise ou non, n’est pas en train de se désintégrer sous nos yeux. De nous demander dans quelle mesure la victoire du multiculturalisme a transformé en profondeur notre société. Et de nous demander comment en prendre lucidement acte et par quelles voies il sera encore possible de rebâtir une société pacifiée.