Le capital, grand oublié des politiques économiques

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More, auteur de Capital et Prospérité (ed. Alternative démocratique, 2016)

Les Echos.fr

1er septembre 2016 • Opinion •


Alors que les responsables politiques et les commentateurs économiques nous serinent un lénifiant refrain sur « l’économie de rentes » contre « l’économie de risque », plus personne ne se penche sur le rôle du capital (défini comme une accumulation de ressources : matérielles, financières, humaines) dans l’origine de la croissance, de la prospérité et de l’emploi.


Parent pauvre du discours d’économie politique, le capital est pourtant l’alpha et l’oméga de nos économies, la quintessence même de la vie de nos entreprises.

En reconnaître l’importance exigerait de courageuses décisions en matière de politique fiscale et monétaire. La première est devenue une simple variable d’ajustement électoraliste (avec de multiples effets d’affichage) alors que nous avons abdiqué la seconde entre les mains de la Banque centrale européenne.

Les responsables politiques et économiques gagneraient à mieux comprendre le rôle du capital dans nos économies. Surtout, les économistes d’une école peu connue en France, celle dite des « économistes autrichiens » (et leurs descendants contemporains), fournissent tout le canevas intellectuel nécessaire pour mieux envisager les politiques économiques à l’aune des nécessités des entrepreneurs et des investisseurs. Il est heureux de parler enfin des entrepreneurs et des créateurs de richesses dans le débat public, mais encore faut-il proposer une politique économique et fiscale cohérente avec cette reconnaissance.

En premier lieu, en se défaussant sur la construction européenne, nos responsables ont perdu tout instrument de régulation du crédit, des bulles spéculatives et des conditions de formation du capital. Au minimum, ils devraient penser désormais la sortie progressive des politiques monétaires expansionnistes, afin de créer les conditions d’un monde où, à nouveau, les projets économiques auraient un minimum de rendement et de rémunération.

Par ailleurs, nous devrions complètement revoir notre fiscalité en séparant à nouveau la fiscalité du travail et des revenus d’activité de celle du capital financier. Seul François Fillon, à l’heure actuelle, en a pris conscience en proposant une « flat tax » de 30% sur le capital financier. Apporter de la prévisibilité, de la stabilité et de la simplicité aux entrepreneurs et aux investisseurs est la condition sine qua non de la reprise d’une croissance soutenue et de la création d’emplois marchands. La politique de l’épargne devrait être guidée par la reconnaissance du rôle de cette épargne dans le financement des projets (alors qu’aujourd’hui Bercy mise sur le financement par la BPI, l’Etat et le contribuable). A partir de ces prémices, nous pourrions revoir les règles de l’assurance-vie et créer de véritables fonds de pension afin de mieux financer notre système productif (ce qui suppose là aussi la grande réforme fiscale précédemment présentée…).

Ces politiques – n’en déplaise à leurs détracteurs – ne sont pas des mesures ultralibérales, mais sont à envisager en conjonction avec une meilleure efficacité des politiques sociales. Le capital, parent pauvre des politiques publiques, est la seule voie pour sortir la plupart des individus de la grande pauvreté. Ce n’est pas pour rien que l’un des pères du microcrédit, Muhammad Yunus, a pu dire avec justesse : « Pour créer de la richesse, il faut donner accès au capital ».