Pourquoi l’UE ne doit pas accorder le statut d’économie de marché à la Chine

Emmanuel Dubois de Prisque, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Novembre 2016 • Note d’actualité 41 •


Le débat sur le statut d’économie de marché qui, selon certains, devrait bientôt être accordé à la Chine en vertu de certaines dispositions du protocole d’accès de celle-ci à l’OMC, est propre à l’UE. C’est un débat tranché depuis longtemps, dans un sens négatif, par les autres grands partenaires commerciaux de la Chine. Il convient de s’interroger sur les raisons de cette spécificité européenne, et saisir cette opportunité pour amender la politique chinoise de l’UE.


Depuis de longues années, une rumeur étrange court de Bruxelles à Pékin, en passant par Paris et Berlin : le 11 décembre 2016, la Chine obtiendrait « automatiquement » de l’Union européenne (UE) le statut d’économie de marché. Jusque récemment, bien peu paraissaient se demander comment cette automaticité pourrait se traduire concrètement dans les textes européens. Fort heureusement, ces dernières années, et surtout ces derniers mois, la situation a évolué. Ceux qui, gouvernement chinois en tête, défendent l’étrange idée d’une telle automaticité, sont aujourd’hui sur la défensive.

La Chine est la cible de la grande majorité des actions antidumping de l’UE comme de la plupart des autres grandes économies. C’est cependant seulement au sein de l’UE que l’idée d’une « automaticité » de l’octroi de ce statut a pu s’imposer dans le débat public, avant d’être battue en brèche ces dernières années. Il convient de s’interroger sans complaisance sur les raisons de cette spécificité.

L’évolution de ce débat permet cependant d’espérer : l’UE est peut-être en train de modifier dans un sens plus réaliste sa vision de l’évolution de la Chine, et d’amender une conception supranationaliste naïve des rapports de force internationaux. Avec la sortie programmée du Royaume-Uni de l’UE, c’est le plus puissant avocat de l’octroi de ce statut à la Chine qui disparaît des instances décisionnelles de l’Union. Il y a ici l’occasion pour les moteurs traditionnels de l’UE, l’Allemagne et la France, de remettre à plat les instruments de défense de sa politique commerciale, ce qu’ils avaient commencé à faire dès avant le Brexit pour répondre aux défis posés par les pratiques commerciales chinoises. Les préoccupations européennes et mondiales causées par le Brexit contribuent en outre à diminuer la pression exercée par Pékin sur ce dossier.